Rien ne surplombe le groupe de colonnes grises rassemblées dans le patio. Une dizaine de cœurs de colonnes dont les surfaces ont été déposées se tient debout. Elles sont nues, épluchées de leurs parements et de leurs cannelures en attendent d’être remontée ailleurs.

Chacune d’entre elle est faite de deux cylindres superposés et séparés par un petit fagot composé de quatre moulages de branches crayeuses disposés de manière à créer une respiration entre les blocs. Le jour ouvert dans ces empilements aiguise la fragilité et le dépouillement de l’installation qui s’en trouve incertaine, flottante dans l’espace comme des piquets dans la lagune de Venise un jour de grisaille. Mais l’artiste n’est pas là pour l’illusion, au contraire. Les colonnes sont des simulacres. Elles sont les preuves de carton et de mousse d’un monde factice, fait d’images, d’empreintes déposées et de renfoncements ; un monde impalpable dont l’existence n’est rendu possible que par sa mise en abyme, sa démultiplication par calques successifs comme autant d’états différents de la matière, mais dont il n’y a jamais réellement eu d’original. Dans ce monde, les volumes sont des ombres portées qui elles-mêmes porteront une ombre.

Ce que présente Maude Maris ici c’est ce qu’il reste une fois le simulacre mis hors de lui, lorsque l’on laisse s’écrouler l’illusion, que le nuage de poussières châtain mêlées de limaille de fer s’est dissipé, que l’architecture se dénude et qu’il devient presque impossible de retrouver les présences qui occupaient l’espace. Elles se sont refermées, repliées, emportant tout le décor auquel elles étaient collées et abandonnant dans un éparpillement d’appels d’airs les structures où était suspendue la scène.

Recomposé et démoulé, soufflé par son effondrement, ce décor est à présent visible sur les peintures présentées un peu plus loin. On y trouve des empilements de pierres, ardoises grises et bleues, grès, marbres et granits, constructions primitives, mégalithes sans dimensions, soigneusement empilés sur le porte-à-faux de l’illusion dont ils sont constitutifs. L’illusion reprend, recouvrant les fragilités et les antagonismes, s’érigeant amplement contre le vent qui gonfle les humeurs en voyage.