La surface de la toile est une insondable zone de plaisirs potentiels. Il ne peut être question d’exhaustivité ni d’ambition totale face à elle. Le choix que fit François Ristori est à cet égard singulier puisqu’il décida de limiter autant que possible l’infinité des combinaisons en se limitant à des formes hexagonales ajustées sur la toile à la manière d’un carrelage de palais renaissants.

Ces hexagones sont exclusivement bleus, blancs ou rouges. Irréguliers, mais parfaitement emboîtés les uns contre les autres, ils forment une grille dont l’aspect raide et impénétrable conduit le regard à s’étendre homogènement à son contact. De cellule en cellule, il effectue un mouvement harmonieux seulement ponctué des à-coups que provoque chaque changement de couleur jusqu’aux bords de la toile. C’est là seulement que les hexagones tronqués interrompent leur monotonie et libèrent le regard de l’absence dans laquelle ils l’avaient plongée. L’expérience n’est pourtant pas exclusivement méditative. Il y a quelque chose d’irritant dans ces toiles. Comme si la promesse délivrée au premier coup d’œil de ne proposer aucune surprise était immédiatement rompue par d’infimes perturbations impossibles à déceler.

La composition ne change jamais, pourtant l’oscillation induite par la faible marge de manœuvre que l’artiste s’est laissée, conduit chacune des peintures à vibrer selon un penchant qui lui est propre et qui s’avère cacher la plus totale hétérogénéité des hexagones. Il faut un certain temps avant de le percevoir, il faut pour cela se détacher de l’irritation injectée par l’incompréhension. Les formes sont presque toutes différentes, sans pour autant jamais s’éloigner du canon cabossé du module de base.

La main vibre elle aussi. On songe d’abord que c’est elle la coupable, elle, l’imparfait instrument de mesure. Or c’est de l’esprit qui s’agit ; le désir qui ressurgit alors que François Ristori avait choisi de le contenir dans un acte initial et qui fait de ses peintures le champ d’une bataille ténue mais éternelle.