Enroulés autour de tiges fines et courtes, de petits boudins délicats se tortillent. Rose fessée pour la moitié d’entre eux, vert sali pour les autres, ils réalisent des figures tordues qui les forcent à gentiment à prendre des postures de yogi de pole dance.

Leurs cuisses tendues frémissent, on y voit toutes les irrégularités que cache habituellement la distance pudique que l’on conserve avec ces femmes-là. Mais ici tout est possible. La chair de poule minée par le froid de la climatisation et les cicatrices que font les maladies infantiles mal maîtrisées offre l’extrême diversité d’une peau qui ne cache rien de ses soucis passés et présents. On peut les détailler et s’en réjouir, le glacis appliqué à Elsa Sahal donne aux plus profondes pustules le luxe d’un bas de soie longuement élimé par des nuits trop longues dans des sous-sol trop étroits.

Les gestes arrêtés de ces danseuses mutilées offrent par ailleurs les joies d’une multitude de commissures, toutes plus chaudes les unes que les autres, profondes et sombres, entrouvertes, souples et dans l’attente du regard. Ce sont des jambes, des seins et des ventres qui plient amplement sous la contrainte d’une mécanique intérieure inconnue de ceux qui ne fréquentent pas les lieux de fantasmes. Rien n’est hasardeux dans ces paumes de pieds creusées par la tension des mollets et des joues conjuguée. Il faut se laisser séduire malgré son éducation, partir avec elles, adopter leur gestuelle languissante et les porter comme l’on porte ses vêtements, de la plus simple intimité à la plus suante des activités. Il faut le faire. Sans quoi ces pierres resteront froides et lourdes au toucher.

Car, si tout en bas elles s’exhibent, persuadées du désir des regards qui les entourent, il n’en faut pas moins beaucoup de soins pour les exposer à la lumière du jour. Ce que la lumière blafarde de la lune en rotation avait de miraculeux disparaît au soleil. Le poli de l’usure qui creuse l’intérieur des cuisses et marque l’aine ne doit jamais être totalement déplié. Il en va de la qualité des mœurs comme de celle des rêves. Aux mains nues s’opposent les dernières langues de tissus qu’il ne faut pas ôter, ne jamais ôter.