Dans un espace souterrain laissé à l’obscurité de ses volumes abandonnés, la projection fébrile d’un écran d’ordinateur illumine un pan de voûte. L’image est celle d’une superposition de fenêtres que manipule une main pressée, artificiellement accélérée. Sur le côté de la projection la forme d’une face blanche animée d’un mouvement organique intérieur semble chercher un point d’équilibre qu’elle ne trouve pas. La vidéo tourne en boucle de moins une minute. Elle se répète à l’infini sans que jamais on ait le sentiment qu’il se joue exactement la même chose à chaque passage. Les suites de codes et de formules qui défilent dans les fenêtres jouent une partition continuellement renouvelée, à chaque fois les dés sont relancés, mais à chaque fois ils obtiennent le même résultat, rayant un peu plus le disque auquel ils sont liés. Le programme échoue invariablement. Il est accompagné d’une bande son, elle aussi bloquée dans l’inquiétante réitération d’une phrase musicale dont on n’aura jamais la fin, revenant perpétuellement à elle-même, et rechutant au même moment. L’impossible échappée d’un monde en quête d’humain ne parvient pas à en produire un nouvel. Face à la solitude des écrans, les tests avortés de la machine de Sterling Crispin ont été montés sur des miroirs. Ils témoignent pour ceux qui les regarderaient du gouffre qui les sépare de nos visages.

Depuis le plafond, les lames métalliques de Tarik Kiswanson ploient élégamment. Elles poussent dans la cavité sans obstacles et sans substrat. Ce sont les racines visibles d’une surface inaccessible. Elles n’ont plus rien de végétal, et plient simplement depuis la clé de voûte telles les feuilles d’un yucca géant et souterrain. Pour le moment elles n’ont pas atteint le sol, mais le tropisme qui les anime les pousse à progresser, lentement, centimètre après centimètre, sans jamais se soucis de la poche d’air qu’elles traverse et qui pour elles n’a aucune valeur.

Ailleurs, d’autres masques ont été collectés. Et peut-être même parmi les gravas qui servent habituellement à combler les terrassement. Ils sont ici à leur place, sous terre, entassés comme le sont les choses oubliées. Malgré leurs traits grossiers, ils inspirent une forme de familiarité. Patricia Camet les a moulés sur des emballages industriels. Ces formes où l’on se reconnaît sont les déchets de nos consommations qui ricanent et grimacent.