Western, un feu humide et délavé parcourt un petit tas de bois noirci que la combustion n’a pas encore réduit en charbon. De belles flammes rouges y forment une poignée de langues obliques orientées par le vent de la gauche vers la droite du foyer. Si la pluie venait à tomber plus fortement le feu s’éteindrait, or pour le moment la bruine bleue qui sillonne le tableau se contente de rafraichir l’atmosphère.

Si western il y a eu il s’est joué lors d’un goûter d’anniversaire, probablement lointain et dont la plupart des convives sont aujourd’hui devenus des inconnus. Dans ce flou quelques visages surgissent pourtant, ils ont été épinglés sur un vaste mur produisant un désordre visuel que seul l’enfant roi ce jour-là pouvait déchiffrer. À tout autre regard, il apparaît comme une suite de petites peintures, tantôt sur toile tantôt sur bois, de photographies agrandies, d’impressions numériques, autrement dit de traces semblables à celles que peut produire ce type de souvenirs chez n’importe qui.

Ce jour-là il fut question de cow-boys et certainement d’indiens. Sur le même mur, un grand nombre de couteaux ont été lancés et se sont fichés aléatoirement, pas un seul n’a transpercé de peinture ni atteint la surface d’aucune des images qui s’y trouvent. Les portraits ont conservé leur intégrité, rien n’a déchiré le voile opaque de la bruine qui continue de tomber un peu partout. Les manches des couteaux sont en céramique, de couleurs claires, presque comme s’ils faisaient partie intégrante du décorum de la fête. Leur forme de poigne de main appelle à la manipulation et à s’en servir pour se hisser au-dessus du sol à la manière de prises sur un mur d’escalade. Récompense pour les plus habiles, on y trouve suspendus des colliers de perles et de bonbons eux aussi multicolores. Tout semble prêt, rien n’a bougé malgré l’âge du souvenir, le western attend son tour tandis que le feu perdure.