Pour le sculpteur, la pratique du dessin, l’expression de la forme dans les limites spatiales de la feuille, a quelque chose de botanique. On s’y enfonce comme dans un herbier, y progressent par comparaison des multitudes de spécimens, parfois très semblables, que rassemblent les variations produites par l’esprit.

Sur le papier David Smith trace des lignes en réseaux. À l’encre noire. Elles sont ponctuées de nœuds où démarrent des embranchements. Telles des racines dans un pot, elles remplissent l’espace à partir d’un point de départ, s’y déploient souplement, selon une arborescence dont la logique, qui semble toujours être la même, parvient à créer des combinaisons continuellement renouvelées. Elles se dispersent, se rejoignent et s’évitent dans toutes les directions ; parfois encore, elles fondent, se diffusent dans le grain comme si elles tentaient d’en saisir l’épaisseur. Cette dynamique est pareille à expansion germée des gouttes d’eau sur les carreaux d’une verrière, elles s’échappent et se repoussent, filent en parallèle comme si l’infini leur était donné, mais in fine, leur volume correspond inévitablement au contenant intransigeant du rectangle de la feuille de papier. À l’intérieur, les formes en radicelles sont très variées et témoignent de logiques d’expansion diversifiées. Arrivées à certain point de complexité, elles jouent un coude à coude qui les oblige à se discipliner. Leur rayonnement s’ordonne, se fait évidence.

Mais à l’instar de ceux de buis, les labyrinthes qu’elles finissent par inscrire dans la feuille perdent le regard dès qu’il s’y arrête, et émerveille celui qui l’embrasse d’un seul coup.

Par endroits, des racines ont apparu puis disparu, recouvertes de blanc. Les traces que l’on devine encore marquent l’emplacement de routes abandonnées ou mortes dans le cheminement mental de l’artiste. Elles sont à la fois le signe du hasard malheureux et la preuve que le processus de création s’en accommode sans remords.