À raison d’une photographie par mur, la galerie Chantal Crousel est couverte de neige à écrans : une poudreuse sale, probablement écrasée par le passage d’innombrables voitures en partance pour les sports d’hiver.

Ce sont des suites aléatoires, de petits points blancs et noirs formant un gris piquant, amer et chargé de halos verts et rouges. Plus on les regarde et plus on s’en approche plus les effets des images se raidissent et deviennent agressifs. Ils oscillent entre l’immobilité due à leur impression et l’étrange volonté de s’en émanciper. La tension résultante donne le sentiment d’une inflation de l’environnement, une inflation quasi immobile mais capable de provoquer l’écho d’une avalanche grisâtre grossie d’un moellon de briques et de sapins aussi maussade qu’instable.

Contraint à ne pas trop appuyer son regard tant les œuvres refusent de se laisser saisir et figer, ce n’est qu’avec une subtile persévérance que l’œil fini par s’adapter et réussit à discerner ce qui ressemble désormais à des chevrons lumineux intercalés de carrés noirs ainsi que de diverses nuances allant du rouge au vert et au bleu. Au demeurant, sur certaines images le noir est plus présent, ce qui en fait des œuvres plus reposantes, plus sombres aussi. Dans ces dernières le bitume sous-jacent a absorbé presque toute la neige. En ruisselant les flocons aplatis ont formé une mince croûte glissante sur le point de devenir uniformément transparente. Ils ne sont plus rien de la nuit agitée par le vent qu’ils connurent.

Deux photographies viennent rompre l’agression épidermique et cependant addictive de la proposition de Wolfgang Tillmans. Elles témoignent d’un arrêt dans l’abyssale obsession de la route. Ce sont deux moments de bas-côté, deux pauses pipi. L’une montrent un arbre ouvert par un coup de foudre, l’autre, le fond d’un bac de terre où s’expriment de petites pousses, selon toute vraisemblance tout juste libérées d’une pierre plate qui, les recouvrant, en avait dépigmenté l’apparence.