L’exposition s’ouvre avec trois tableaux de Caravage. Les deux premiers sont las et désabusés. Il y a l’Amour endormi sortant de la nuit par la lumière d’une torche portée à son côté, enfant langoureux, on le découvre très éloigné de l’idéal de bonheur impromptu auquel on s’attendait. Sa bouche, entrouverte, sur une dentition hasardeuse et sans sourire aucun, semble épuisée tout comme le reste du visage, pâteux, gonflé et fatigué. L’autre est le Garçon mordu par un lézard, un adolescent à idiot et maniéré qui gesticule, dévoilant malgré lui et malgré la dignité de sa mise sa nature coléreuse.

Face à eux est accroché le Couronnement d’épines d’un Christ incrédule, vieilli, implorant du regard ses bourreaux. Humble face aux humiliations, il est encadré de trois hommes noueux jouant leur rôle sans conviction ni pitié. L’écart est poignant, l’artiste réussissant à faire cohabiter dans le petit espace vertical du tableau toute l’humanité qui sépare la bonté de la médiocrité de l’âme.

Plus loin, Saint Jérôme avec un dévot de Piero della Francesca poursuit l’introspection de la foi que mène la peinture. Ce tableau figure une conversation dans un paysage associant des tonalités vert de gris et beige clair. Le saint, diaphane, crucifié en son torse par l’affleurement de ses côtés entre les pans de sa tunique, s’entretient avec un prieur devenu anonyme. Le jeu de regards entre les deux hommes est intense, Saint Jérôme est interrogatif, le dévot, prudent. Nul ne saura jamais ce qu’ils se disent, et pourtant, à les observer, toutes nos convictions sont troublées.

L’exposition s’achèvent avec trois tableaux de Jusepe de Ribera, les Saint Barthelemy, Saint Paul et Saint Thomas, que l’artiste peint drapés dans la chaleur de tuniques épaisses, lourdement tissées, monochromes et sans ornements. Tous trois ont le visage buriné, presque brûlé par le soleil qui leur donne une carnation rouge brique mâtinée de cramoisi, ainsi qu’une peau râpée, pelée par la réalité des rues romaines où Ribera, tout comme Caravage avant lui, allait chercher ses modèles. Encore une preuve d’humanité. La lumière du jour ayant consumé la peau des saints, c’est toutes les palpitations des hommes en dessous qui se mettent à affleurer.