Tout est question de mur, jamais de sol ni de plafond, dans les tableaux de Sépànd Danesh. Le regard y circule pris de vertiges, sans jamais pouvoir savoir à quelle hauteur il se trouve ; comme s’il était en arrêt au milieu d’une chute dont nul ne sait ni quand elle a commencé ni quand elle va s’achever.

Métaphores albertiennes, ces peintures incarnent des fenêtres donnant dans des intérieurs que l’on identifie par leur revêtement ; carreaux pour la salle de bain ; tapisserie pour le salon ; peinture rose pâle pour la chambre ; pierres grossièrement taillées pour le sous-sol, etc. On y trouve sur de petites étagères des portraits photographiques, des livres et des bibelots ainsi que des vitres et des savons aux formes étranges et aux arrêtes bien nettes donnant le sentiment de n’avoir jamais servi jusqu’à présent ; ils sont de couleurs pastels, jaune, rose, vert d’eau et laissent supposer une obsession hygiénique retenue comme en témoigne leur état neuf – ces savons sèchent, ils décorent. De temps en temps, les murs sont égaillés par un cadre contenant une œuvre abstraite. Abstraite et fantomatique, à moins qu’il ne s’agisse d’un reflet où de l’effet de la vitesse, la surface a pu être rendue illisible par l’effet de la chute et de son flottement.

Est-on tombé par mégarde ? Peut-être a-t-on franchi le pas délibérément.

Toujours-est-il qu’au moment où peint l’artiste la gravité est en arrêt, l’œil, en suspension chez des étrangers, scrute les détails de vies qu’il capte au hasard de sa dégringolade. À l’exception des photographies, aucun protagoniste n’apparait dans le cadre de la fenêtre. Impossible de savoir réellement à qui appartiennent ces appartements. Était-ce à des voisins ? Des inconnus ? Quelques minutes auparavant, ces étrangers nous étaient peut-être familiers. L’idée d’être tombé du toit de son propre immeuble n’est pas incongrue, et les morceaux d’existence que l’on observe pourraient être ceux que l’on laisse derrière soi, en lutte contre le regret, essayant de glaner quelques instants supplémentaires avant que n’intervienne le choc.