Les photographies de Lukas Hoffmann, frontales et éclairées d’une lumière sans creux ni accident, semblent avoir été prises pour témoigner d’une chose dont on ne parvient pas à déceler la trace. Il n’y a rien dans ces buissons, rien au creux ces arbres ni au pignon des maisons. On a beau chercher, l’objet à l’origine des compositions, celui qui devrait se situer au centre de l’image, n’existe pas.

L’évidence manque. Telle que l’on se l’imagine elle nous invite à nous rapprocher. À voir de plus près, si précisément que l’on a l’impression de voir une pure surface formelle. Comment pourrait-on en savoir plus ? Neuf pieds de rhubarbes en décomposition après avoir pris le gel n’indiquent rien d’autre que ce qu’ils sont. De même que la terre soulevée de Konigsallee (Bochum) aurait bien pu faire apparaître quelques vestiges, mais ce ne sont que radicelles et sols friables : une faible couche d’humus coiffée de ronces faiblardes ouverte sur un précipice de la taille d’un homme. Nul trésor logée dans toute cette neutralité.

Le fait divers auquel on songe se déroulerait en Allemagne, sous un ciel laiteux, une route parfaitement entretenue passerait tout près, mais sans aucune voiture pour l’occuper. La végétation serait de celle, informe, que l’on entretient régulièrement, mais sans soin particulier, jute ce qu’il faut pour qu’elle ne débordent pas et où les arbres malades sont abattus avant de succomber, laissant dans le paysage des trous hasardeux signes de rien du tout. L’histoire est pauvre, délibérément fauchée par le photographe qui affirme qu’elle n’a jamais contenu le moindre protagoniste.

Pourtant, on se trouve dans ces photographies comme dans une salle totalement vide où tout suggère une présence antérieure. Les dimensions accusent l’exigence de leur précision, la composition, réglée au centimètre près, ne laisse aucun doute, si le cadre était plus grand, il n’y aurait rien de plus ; c’est là, et uniquement là qu’il faut regarder. La réponse se trouve dans l’image. La réponse est l’image, et l’image est coincée dans l’interstice qui sépare la trivialité de l’exceptionnel.