The Shell est conçue comme un panorama ; une de ces expériences que l’on peut réaliser simplement en pivotant. Degré après degré l’image s’étire en largeur jusqu’à former une boucle, un ruban souple dans lequel l’œil s’enfonce et glisse, prend de la vitesse puis ralentit, tourne, tourne et ne s’arrête qu’une fois le tournis et la lassitude installés.

La boucle proposée par Éric Troncy met bout à bout des peintures de grands formats sur la totalité des murs disponibles de la Galerie Almine Rech. Arbitrairement, elle commence par une œuvre d’Alex Katz, un portrait de femme, caractéristique de l’impassibilité des modèles américaines auxquels on a parfaitement appris à ne jamais baisser le regard ni jamais le porter dans celui de leur interlocuteur. Puis défilent les œuvres. Jason Wood – Landscape pot 2 – l’image neutre d’une plante d’appartement logée dans un pot en camaïeu de gris ; Bertrand Lavier, Alex Katz à nouveau, John McAllister, et ainsi de suite jusqu’à revenir au portrait d’Anna d’Alex Katz.

Parfois l’œil tombe dans l’une des peintures, elle s’y glisse comme une bille au fond d’une fronde où elle reprend de la vitesse par l’action centrifuge qui s’y exerce avanter de sauter plus loin et atterrir au hasard. Ainsi, le brouillard gris balayé de grands coups d’essuie-glaces d’Untitled (P478) de Christopher Wool renvoie vers sa voisine, la pornographie vacancière du Deauville de John Currin, alors que les fondus mièvres de Jean-Baptiste Bernadet mènent au Brigands de Bernard Buffet.

En dehors de ces chausse-trapes, le regard poursuit sa course à toute vitesse dans l’enchainement du parcours. Vues à la suite les unes des autres, les œuvres forment deux courbes symétriques ondulant verticalement selon la succession des formats à la manière d’une bouche qui exagère ses efforts d’articulation. Cela fait de grands O, des I, et des A.