Le temps est une des données les plus émouvantes de l’art. Souvent, il en est même le cœur, l’impénétrable aimant autour duquel gravitent les regards. La marche du temps se met en route d’elle-même, dès qu’un rapport se fait art, il avance vers une éternité. Tel est la condition des créations artistiques.

L’exposition organisée au FRAC Bretagne à partir de ses collections rassemble des œuvres en prise avec ce sujet. Il y a tout d’abord une salle entière dédiée au travail d’Anne et Patrick Poirier. De belles ruines en toc, autant de cénotaphes où chacun peut déposer ses rêves et ses peurs. Plus légère, les Divagations d’Étienne Pressager sont des dessins recouverts de pattes de mouches. Le remplissage de l’espace, métaphore du remplissage du temps, y est toujours partiel, défaillant. Sur ces vides, le temps passe et comble les creux de souvenirs comme l’on comble les fosses de tonnes et de tonnes de gravats afin qu’ils pèsent sur elles au point d’en changer définitivement la forme.

Les coups de tampon dateur de Michel Parmentier 14 avril 1966 témoignent de l’accompagnement que l’artiste peut faire de cette forme. Ces gestes répétitifs et innocents sont une tentative d’être avec le temps qui passe, de lui donner un mouvement, le ponctuer d’un geste, afin qu’un instant il sorte de son abstraction. Mais le temps n’est jamais ce qu’il semble être. Le Warhol Flower de Sturtevant et Le Christ vert de Paul Gauguin d’André Raffray soulignent le doute qui pollue la mémoire où rien n’est jamais tel que l’on s’en souvenait.

Dans une dizaine de vidéos, Sarkis reprend au fond d’assiettes creuses remplies d’eau les œuvres de Caspar David Friedrich. Il applique au liquide immobile le mouvement du pinceau qu’il y trempe, peignant à sa surface les tableaux du peintre allemand. Mais l’image ne se fixe pas, elle disparaît en même temps qu’elle se forme. Seule l’intention les attachent aux tableaux de Friedrich. L’eau comme le souvenir n’a pas de forme et ne peut se départir de cette indépendance. Le temps qui en est matériau principal ne peut être attrapé. Il fait ce qu’il veut, va ou il veut, modèle ce qu’il entend.