Plus que la peinture, l’image et le tableau sont au cœur du travail de Jacques Monory. Tout se joue dans le rapport de l’un à l’autre ; en premier lieu, en investissant le cadrage et la composition. Les tableaux de Monory ne fonctionnent pas de manière automatique. En eux, nul point de point de vue unique dans lequel il faut pénétrer, mais un large champ de vision où l’observateur est invité à ordonner et définir un certains nombre de paramètres. Ainsi, l’image de Meurtre n°2 est séquencée, celle de Pompéi est annotée alors que N.Y. n°10 comporte une règle d’étalonnage. En outre, les œuvres de l’artiste sont fréquemment composées de plusieurs toiles associées dont les séparations déclenchent l’intuition que l’histoire pourrait être autre, qu’elle est racontée différemment par les protagonistes qui y figurent.

Vient en sus un travail sur la forme et la nature du tableau, sur ce qui peut y être inclus et les limites du métissage que peut supporter la forme. Ces éléments, miroirs, plexiglas ou plans d’aluminium troublent et démultiplient le champ de vision en le documentant ; les impacts de balles, posters et photographies affirment l’indépassable matérialité de cette œuvre. Car c’est justement au point de disparition, voire d’oubli, des détails que l’œuvre de Monory prend le plus de risque. À donner des indices et se déployer comme un Cluedo continuellement agrandi et complexifié, la peinture devient presque inutile.

Systématiquement, l’image prend le dessus sur la peinture appliquée pauvrement. La couche picturale est avant tout une couche informative. Elle fonctionne comme une surface publicitaire, conçue pour être embrassée totalement, en un mouvement ample. Toute tentative de troquer la totalité de l’image pour la touche s’avère déceptif alors que prisent dans le mouvement d’une marche rapide les œuvres s’animent et crépitent comme si plusieurs bobines d’un même film étaient lancées simultanément. Chacune surimposant aux autres des aspérités qui apparaissant et disparaissant instantanément, mais laissant dans la mémoire l’indice d’une faille, une preuve que quelque part le tableau subsiste à la manière d’un corps au fond d’un ravin.