Une fois assis, dessaisi du pouvoir couvrant du froid, le visage commence à s’assouplir. Il se détend et saupoudre ses effets sur le reste du corps à la manière d’un chapeau de feutre ébroué des milles gouttelettes qui l’imbibent par un propriétaire sur son palier, un instant avant d’entrer chez lui.

L’humidité sur les épaules ne change rien au sommeil qui s’installe. Il fait chaud dans la Galerie Eva Hober. Critère crucial, mais non le seul, trois canapés, quatorze vidéos et dix artistes réunis par Ivan Argote et Pauline Bastard composent l’environnement propice à la rêverie qui s’installe. L’obscurité fait le reste.

Glissent alors les images documentaires sur les images esthétiques. Le sens et la narration se dissolvant dans la beauté du crépitement des lumières. L’observateur, fait spectateur, sombre complaisamment dans les longueurs, logé au plus profond du canapé qu’il a choisi se sentant progressivement ragaillardi, collant, tiède puis vaporeux ; la volonté qu’il tente d’imposer à son regard ondule à mesure qu’ondule aussi le rythme des vidéos. Le programme n’exige de toute manière pas beaucoup de concentration, les œuvres, pour la plupart déjà vues ailleurs, une fois, deux fois, dix fois, défilent comme défile la programmation bien rodée des émissions de Noël. Tel et tel films avaient au-par-avant offert des lectures différentes après avoir été revisionnés. Mais l’effet de nouveauté n’est plus d’actualité. La familiarité a pris le dessus. La nonchalance de l’ennui qui ne pèse pas donne toute son ampleur à l’expérience. D’autant que celle-ci s’est raréfiée. La disponibilité mille fois multipliée des divertissements sur internet ayant décadenassé les habitudes imposées par les chaines de télévision, elles, qui en leur temps, avaient rendu obsolète la fréquentation des cinémas à pas cher et leurs vieux films en boucle face auxquels on s’abritait du froid en hiver et de la chaleur en été.