Blair Thurman peint des toiles aux formes mécaniques traitées comme des surfaces de carrosserie. Chaque œuvre est imbibée de cette passion pour les reflets métallisés au couvrant parfait que seuls peuvent atteindre les mécanos aux mains encrassées d’huile et de graisse industrielle par des années de présence dans un garage de fond de cour. Là, aucun souci du bien léché, aucune préciosité n’entrave l’implacable efficacité de la volonté. Une rigueur redoublée par la conscience apaisante que la route se chargera méticuleusement d’user la perfection. Au bout du compte tout sera à refaire, les pièces seront changées et de la machine initiale ne restera progressivement plus rien d’autre que l’obsession de la permanence.

Chez l’artiste, l’esthétique du kilomètre s’attache à tous les détails visibles. Rien n’est laissé aux défauts car la réalisation de ces pièces est conditionnée par l’extravagance formes utiles et absolument nécessaires. Par contre, l’envers de ces morceaux de bravoure est laissé brut. De même, aucune attention n’est portée aux tranches des châssis. Dans la perspective mécanique, elles n’ont pas vocation à être vues ; une fois assemblés les différents éléments de carrosseries étant parfaitement joints, seule la forme extérieur subsiste. L’intérieur étant réservé au regard pragmatique des ouvriers en charge de l’entretien des niveaux.

Sur un mur une forme molle serpente en boucle. Sa couleur est grise, uniforme comme le macadam des circuits automobile quand le soleil la fait reluire avant le départ de la course. Dans le silence de la galerie on peut imaginer le bruit des moteurs qui ronflent et rongent leur frein. Bientôt les trois longues courbes rapides suivies de trois virages secs en épingle se couvriront des traces de gomme laissées par les à-coups de la conduite. Les trajectoires à la corde apparaitront les premières, puis, autours d’elles, les lacets et les ondulations viendront souligner le combat millimétré des voitures au freinage à l’entrée des virages et en fin de ligne droite.