Quatre sculptures en métal peint d’Anthony Caro occupent l’espace principal de la Galerie Templon. À les découvrir on a le sentiment qu’elles ont été découpées dans des ensembles plus grands, qu’elles sont des fenêtres en trois dimensions ouvertes sur des mécanismes gigantesques et dont elles ne permettent de comprendre ni l’essence ni le rôle, mais témoignent de la monumentalité effondrée d’où elles ont été désincarcérées. C’est comme si elles donnaient une échelle humaine à des structures inaccessibles. Que l’artiste avait sélectionné la zone où s’exerce avec le plus d’évidence la somme des forces en présence et l’en avait extraite à l’instant précédent l’effondrement. De cette justesse, les sculptures conservent l’équilibre sur le point de basculer.

Caro, c’est l’œil du mécanicien. L’œil qui connaît chaque inflexion de sa machine, chaque torsion, chaque soulèvement, l’œil qui sait où attendre pour voir se réaliser la floraison et le parfait épanouissement du métal dans l’expression du désastre. La bête, menée au bout d’elle-même, se plie, s’ouvre et se déchire délicatement pour laisser apparentes ses entrailles. Ne reste plus alors qu’à la débiter : un acte sans aucune violence.

La salle précédente propose deux sculptures de plus faibles dimensions. Elles associent au grès du bronze pour la première et du bois pour la seconde. Bois et métal semblent faire partie d’une construction rationnelle. Ce pourrait être des maquettes, mais peut-être n’est-ce ici encore que de petits éléments issus de structures plus vastes. Sur certaines sont visibles les traces laissées par les forces mécaniques, les éclats, les déchirements et les soudures qui les compensent. Par-dessus, le grès intervient comme une colonisation de leur espace d’action, une colonisation non pas incohérente, mais structurée, pareille à l’extension d’une ville où, maison après maison, se dessinent dans la terre les voies de circulation et les zones d’accumulation.