Délicate, ayant retenu l’ombre et la fraîcheur de leur enterrement malgré le souvenir de chaleur et de pierres calcaires qui s’en dégage, l’exposition Pierre Buraglio / Edouard Pignon à la Galerie Bernard Ceysson est une expérience archéologique.

Aux murs, les formes fragmentées de Buraglio pourraient avoir été prêtées par un musée d’antiques. Ce sont essentiellement des morceaux ; périodes tardives, des copies d’après les modèles grecs dont on reconnaît aisément les canons. Le geste n’a plus l’élégance, mais il a la conviction. Celle que confèrent le choix et la répétition. Six feuilles de vigne cachent sur autant de dessins l’entre-jambe D’après Courbet. Un buste tronqué, dont nous est parvenu le prénom – Carmela –, a été reconstitué avec les deux seuls morceaux subsistant de l’ensemble sur pied qu’elle fut certainement par le passé. Bien que fracassée, elle conserve sa peau laiteuse et douce. Il faut dire que c’est le privilège du marbre que de s’assouplir en vieillissant. Carmela n’a plus d’âge, elle a certainement passé beaucoup de temps sous terre, mais elle est toujours aussi jolie. À ses côtés, des morceaux beaucoup plus récents racontent l’aventure automobile italienne des années 60 et 70. Il y eu à cette époque de nombreux accidents, et bien souvent portières, brisures de vitres et pots d’échappement allèrent rejoindre à fleur de champ les antiques qui y dormaient.

Les plongeurs verticaux d’Edouard Pignon sont une ode lyrique à l’histoire d’Icare. Un Icare rapporté sur la berge, enchevêtré dans des végétaux flottés gris et verts. La mer comme le ciel est l’unique élément calmé du tableau, tout le reste est catastrophique.

L’exposition s’achève sur les Nus larges et rouges d’Edouard Pignon. Entassés dans le rectangle de leur châssis ils ont l’air d’être des espaces de fouilles. Trois de ces surfaces délimitées au cordeau sont présentées. L’artiste y a appliqué une stratigraphie minutieuse faisant apparaître galbes et soupirs avec maestria. Des figures féminines pourraient s’être endormies hier dans cette terre oxydée que l’on appelle modernité, mais c’était il y a des siècles.