Tout de blanc, de fraicheur et de sobriété au milieu de sa couronne jardinée, l’Hôtel des Arts de Toulon a des allures de sanatorium dix-neuf cent. Stéphane Couturier a été invité à y faire pénétrer Bab El Oued. Pas celui des ruelles, mais la cité « Climat de France », son architecture fanée et moderniste, signe grandiloquent d’une idéologie sociale et culturelle érigée comme une citadelle béante.

Les prises de vue du photographe tentent de retranscrire le sentiment d’ouverture que procure cette ville dans la ville percée de milles mitrailles, mais qui ne regarde réellement que dans la direction du soleil, son seul véritable interlocuteur. Elles y échouent la plupart du temps. C’est pour mieux introduire l’échelle humaine, et tout particulièrement le temps humain, celui qui à l’inverse du regard panoramique exige plusieurs longues minutes aux pas pour parcourir la Place des Deux Cent Colonnes autour de laquelle la cité est structurée. Ce temps est donné à l’étage par un long travelling longeant la colonnade en dents de peigne. Il dure 8 minutes.

Ailleurs les photographies sont collées à même les murs, incrustées entre les hauts lambris et les veines claires du marbre qui serpente au sol. Dans certaines salles, des vidéos incluent des voix, incompréhensibles, vieux et jeunes indémêlables des bruits et de la musique qu’aplanie la chaleur zénithale. Étrangement, c’est le silence qui en est le plus perceptible. Comme si les distances rendaient plus intense sa texture, le lointain séparant les petites fenêtres étouffant les nervosités. De la même manière, les mouvements sont presque absents. Seuls les déplacements du photographe étant sensibles aux observateurs de l’exposition. On se l’imagine arpentant l’esplanade et les toits terrasses à la recherche du point de vue qu’il ne trouvera pas, mais dont on conserve le souvenir de la quête dans la multiplication des tentatives.

L’exposition se conclue par la vidéo d’un homme faisant son cinéma. On dirait les années 50. Il baragouine, raconte et clame la France et l’Algérie sous le contre-jour d’un porche où l’arc de cercle de ses bras ne porte aucune ombre aux murs que l’on sait décrépit, mais qu’ainsi on ne voit pas.