La peinture se prend une bonne dérouillée. Une baffe avec élan, bruyante, comme souvent les peintres tentent de lui en filer une sans pour autant y parvenir. Il faut dire que Fabien Boitard a choisi de reprendre l’histoire à peu près là où Raoul Dufy l’avait laissée.

Couleurs criardes, souvent salies par l’excès d’enthousiasme, la peinture est vive, vorace, sans apriori pour les techniques ; l’artiste mélange allégrement photoréalisme flouté, peinture à la bombe barbouillée de gras et de coups de hampe, gestuelle expressionniste et dessins hâtifs.

Les sujets sont d’aujourd’hui. Ils semblent avoir été sélectionnés mécaniquement, avec le même opportunisme que l’étaient ceux du peintre fauve. Ce sont des paysages pop et vulgaires, du type carte postale caravane-camping expédiée sous enveloppe depuis la Moselle et trombonée aux photos prises et tirées sur place avec ses naturismes parentaux et ses sessions regroupant toute la famille devant un point de vue remarquable. S’il y avait plus de ciel cobalt, on pourrait les prendre pour des chromos provençaux. Tout dans ce travail donne l’impression de s’échiner à retrouver ces filiations-là. Or que sont-elles sinon de bienheureuses croyances en la possibilité d’une expression picturale libérée du goût parce qu’inépuisable : une peinture sans soucis de renouvellement, ni de la forme ni du sujet. Une peinture simplement indexée sur la joie de les produire et de les consommer, un peu comme l’on consomme les mirabelles sur le marché du village accoudé aux vacances, avec une délectation parfois feinte, mais qui donne le change et s’auto-entretient. Car après tout, ces fruits sucrés seront toujours là l’an prochain ; on les goûtera, on les comparera à ceux des années précédentes, pesant le pour et le contre, cherchant les variations de couleur et de maturité tout en sachant très bien qu’elles seront toujours disponibles, quoi qu’il advienne, et qu’il y en aura toujours plus qu’il n’en faut pour chacun, que l’on soit à deux ou en famille.