Passées les bribes de formalités, l’accueil et l’invitation, l’appartement s’ouvre sur un tout petit vestibule. On y trouve une peinture mâchouillée ainsi qu’une gravure représentant une femme au vent, debout sur le siège d’une décapotable, dont le dessin mis en abime se répète à l’infini.

De l’autre côté de la porte une rose des sables occupe avec quelques dessins les deux niveaux d’une bibliothèque où se coudoient livres d’artistes et livres d’art. L’appartement en est rempli. Et sur chacune de ces bibliothèques, œuvres et érudition font place commune. La deuxième d’entre elles loge notamment une ribambelle de monographies que coiffe le Poussin en face à face avec un plat graisseux peint en transparence. L’un et l’autre sont séparés par une photographie de nuages, elle-même surmontée d’une enveloppe Via Aerea et d’un collage abstrait.

Le mur adjacent condense douze œuvres. Quatre d’entre elles – quatre peintures, dont une au couteau représentant un minerai perruqué à la manière d’un juge anglais, donnent à l’ensemble une tonalité brique et bouteille. Elles sont entourées d’un moineau reposant sur un fond doré, d’une citation sérigraphiée de Flaubert, de mouches, d’un chien en chasse encadré de bambou, d’aluminium à tablettes, d’un autre collage et d’une merveilleuse petite fille en short et marinière portant de grosses lunettes en forme de cœur. On retrouve la même fille dans une œuvre accrochée seule au-dessus du lit. Ses deux mains maintiennent ses cheveux en arrière de manière à convenablement dégager son front et les bosses qui s’y lisent. Pour bien comprendre, six exemples de lecture phrénologique sont proposés en pendant.

La troisième pièce de l’appartement s’ouvre sur deux tableaux dont celui de gauche et partiellement recouvert d’un chapeau aux couleurs paille, vert et rose. On y devine un bourdon. L’autre représente frontalement une assiette de grand-mère où gisent trois os de volaille. Elles et leur couvre-chef sont installés en vis-à-vis avec un très grand tableau presque entièrement recouvert de casiers bruns posés sur un fond blanc cassé, de ceux qui ne paraissent jamais parfaitement propres, qu’importe les efforts consentis par les gardiens des immeubles parisiens. Le tableau cache sous son dos une autre peinture de même format que l’on ne voit jamais. Sur une commode, l’une des planches de la suite Vollard est surmontée par jeune chevalier et une belle endormie – toujours la même petite fille –, on la découvre une dernière fois à l’autre bout de la pièce, entourée d’une rose et d’un poivron, portraiturée emmitouflée dans une écharpe mordorée, pensive et délassée par la nuit qui l’entoure.

Une poignée de dessins un peu partout parachève la pagaille sous le regard amusé du bébé. On l’a juché au sommet d’un miroir, il sourit, perplexe en attendant la suite.