Dans un angle de l’atelier de Delacroix, une très grande toile est déroulée sur le sol. Il s’agit de Fuck Maître, La Mort de Sardanapale, réplique à échelle une du chef-d’œuvre d’Eugène Delacroix qu’est en train d’achever Vincent Corpet. La copie avait été initiée au Louvre, face à l’original. Mais pour poursuivre son étreinte, l’artiste a obtenu de continuer à peindre dans l’ancien atelier du maître.

Arrivé à ce point du travail la toile n’est plus immédiatement reconnaissable, presque entièrement recouverte d’une couche rouge opaque, elle est néanmoins parsemée de figures en grisaille dont on devine les correspondances avec la composition initiale. En émergeant par en-dessous de la mare de sang, ces têtes et ces membres apparaissent tels ceux de noyés remontés à la surface, la décomposition des chairs ayant fait son effet. Du sujet initial l’artiste n’a conservé que de maigres éléments. L’aplat mat n’autorisant aucune transparence, tout ce qu’il recouvre est désormais perdu, l’immense lit de Sardanapale, la plupart des femmes, la passementerie et les débordements de brocards ont déjà été engloutis. De plus, Vincent Corpet a ajouté à l’œuvre des crânes rigolards qu’il traite comme des gravures, par de fines lignes parallèles dont il croise les écheveaux pour créer l’illusion des ombres et des volumes. Les crânes, beaucoup plus gros que ceux des hommes et des femmes du tableau, flottent sur le fond rouge. Leur différence de taille leur confère un caractère monstrueux. Comme s’il ne pouvait pas appartenir à la même espèce, et encore moins à la même histoire.

Que font ces hybrides ? Peut-être se nourrissent-il de la putréfaction qu’ils surplombent. Peut-être aussi, dans la prolongation de l’intention de Corpet, ils figurent les fils nés de l’étreinte du peintre par son cadet ? Dans tous les cas, ils prouvent que par-delà le temps, le vieillissement des couches picturales et des vernis, Sardanapale continue à désirer et se faire désirer.