Les expositions estivales sont l’occasion de faire le tour des propriétaires, de groupe en groupe on peut y expérimenter la cohérence entre les artistes des galeries. L’exercice mené à la Galerie Éric Dupont répond parfaitement à cette nécessité. On y décèle de la discrétion dans l’engagement, une forme de tact rentré, qui ne s’extériorise qu’après réflexion, et qui crée une cohésion frappante entre les œuvres malgré les différences apparentes.

La première œuvre de l’accrochage contient en elle seule toute cette dimension. Il s’agit d’une photographie de Régina Virserieus qui présente une échelle face à une bibliothèque chargée d’ouvrages. La vue est frontale, presque brutale dans sa façon de s’opposer au regard, pourtant, son contenu s’ouvre sur d’immenses possibilités de lectures. Symbole de la dualité entre le mur que l’on voit et le passage qu’il permet pour l’esprit, l’échelle barre l’image et donne accès aux livres rangés en hauteur. À ses côtés, le Fragment de bibliothèque de Pascal Convert poursuit cette réflexion en en proposant l’inversion. Sur une étagère reposent des livres dépareillés. Tous ont été coulés en verre autour d’une âme métallique rongée par la corrosion. Ils sont impossibles à ouvrir, mais l’on voit au travers.

Autre face à face. Un Arbre photographié par Lee Friedlander côtoie une sculpture métallique de Yazid Oulab. Le premier est cadré de telle sorte qu’il semble étirer ses branches vers le spectateur, comme pour le prendre dans ses bras, l’attirer et lui faire sentir son corps d’écorces à la manière d’un Christ végétal cultivé à vie sur son mont Golgotha. L’œuvre de Yazid Oulab consiste, elle, en un clou en inox poli, de la hauteur d’une canne de vieillard, pointe au sol, disposée dans un angle au fond de la galerie. Ce clou, obélisque renversé en position de perforer, pour ne pas dire crucifier, reflète à sa surface les visages de ceux qui s’en approchent, suggérant que ce pourrait être eux qui sont sur le point de s’en servir.

Deux tableaux de Damien Cabanes parachèvent l’ensemble, une figure frustre sur fond uni, et un grand tableau aux motifs de carrelage rouge et bleu avec des cabochons tricolores, jaunes, gris et noirs. L’un allie une texture sèche à un motif vivant, l’autre, une texture épaisse et patinée, comme si ce sol avait longuement servi aux allers et retours de l’artiste faisant les cent pas.