Est-ce possible, à partir de matériaux donnés, de photographier sans verser dans le documentaire ? L’image photographique n’est-elle pas en dernier recours au moins le document de l’expérience photographique ? Edgard Martins ne répond pas à ce problème, mais il s’y confronte. Il le pousse même dans ses extrémités puisqu’il met tout en place pour réaliser un documentaire – résidence dans un environnement riche et clos, longue immersion dans celui-ci, absence de corps – alors que son objectif est de s’en éloigner.

La série de photographies qu’il présente à la Galerie Mélanie Rio a été réalisée sur les bases de l’agence spatiale européenne.

Les cartels nomment simplement les choses, sans donner immédiatement leur nature ni la cacher. On les aborde avec la part de mystère scientifique qu’ils comportent pour l’observateur non connaisseur. Lieux et objets sont appréhendés selon leur forme, à la fois esthétisés, et bruts. Casque, Gant, l’Intérieur d’un simulateur de vide, Spatial Center ASE portent cette dimension catastrophique de l’exploration spatiale. Au centre de cette dernière image, un miroir de spires noires reflète des instruments et de multiples sources lumineuses venues de toutes parts, l’atmosphère est exiguë, rien n’est laissé au hasard, seule la présence du photographe semble étrange.

Dans le Portique mobile du lanceur Vega, vu du dessous, CSG tout à l’air d’être issu d’un film de science-fiction, jusqu’au cadrage choisi par l’artiste – propre, net et clinique – exhibant les exigences du lieu tout autant que les stéréotypes et la part de phantasme qu’il véhicule. L’héroïsme semble constitutif du rapport que l’on entretient avec ces photographies. Comme s’il était inamovible, présent dès lors que le regard mis en présence du lieu. Il est sécrété par l’espace mental qui nous sépare de l’image.

C’est cet espace, cette succession de filtres apposés sur l’image, aussi claire soit-elle, qui l’empêche d’être un document. Car avant toute chose ces photographies portent les traces que nous, observateurs, y déposons à notre propre effet.