Les tableaux d’Albert Oelhen exposés à la Galerie Max Hetzer ont la texture de certaines nappes cirées. Le grain est fin et régulier, raide et légèrement étiré, il luit sous les néons de la galerie. L’artiste y peint à grands jets un enchevêtrement de lignes et de mouvements qu’il noue au centre de la toile avec urgence.

De l’urgence, c’est la sensation qui ressort face à ces œuvres abstraites dont le vocabulaire est transposé de l’une à l’autre comme si l’artiste avait à chaque fois cherché à trouver la solution d’un problème de composition qui, d’essai en essai, rebondissait au hasard, le poussant à courir après. On le voit partir d’un côté et être littéralement rattrapé de l’autre ; secoué, agité, il se débat ; peut-être est-ce ce qui donne à ces œuvres leur souffle et leur vivacité. À deux exceptions près, les tableaux sont de la même taille et de proportions humaines, ce qui favorise la lecture gestuelle : intense au centre, elle devient plus elliptique à la périphérie où le trait est vif, mais finit par mourir, arrêté par les limites corporelles de l’artiste. Par endroits, la main a été prise de frénésie, brouillant toute possibilité de compréhension de son cheminement. Mais étrangement, aucun sentiment frustre n’y est contenu, au contraire, ces flous semblent indiquer une recherche de précision. Ce sont des moments calmes. On peut s’y arrêter.

Ailleurs les couleurs acides, presque électroniques, lancées à toute vitesse, progressent dans l’espace de la toile en contradiction avec toutes les règles de la cinétique. La complexité des accélérations et des fortes décélérations ne peut s’y lire sans entrainer un tournis enveloppant – tiède puis chaud – et dont le cœur, situé au milieu des tableaux, se resserre progressivement autour de l’observateur qui, in fine, se trouve pris dans le nœud gordien que justement fuit Albert Oelhen.