Hormis le ménage trop bien fait, l’absence de clés et de factures près de l’entrée, l’Appartement ne dément en rien son nom. Le tout petit vestibule est sombre, quelques vestes y pendouillent ; on y accède directement par l’ascenseur, il faut frapper, connaître l’étage et se frayer un chemin parmi les autres invités pour obtenir un verre d’eau pétillante auprès de notre hôte, Nathalie Miltat.

Le reste n’est qu’œuvres et vie quotidienne. Des associations de couleurs et d’idées, du orange, des verts tendres, sur une base de marron et de terre. Le tout est guidé par un parfum floral miroitant dans les deux grandes vasques qu’a installées Christophe Sarlin sous le piano et qui diffusent Le Manifeste du désert [1].

La lumière des grandes baies vitrées inonde la pièce ; une atmosphère de simplicité et de joie pastorale nourrie par l’association des œuvres contemporaines de circonstance et des sculptures africaines, massées et sur leurs gardes, qui peuplent habituellement l’endroit. À leur contact ressortent les pulsions primitives de certains artistes ; Corentin Grossman, Armand Jalut, Natacha Lesueur et Vincent Beaurin arborent – impudiques – une franchise exotique, laquelle, cuisses et fesses à l’air, se balade tant en Afrique qu’en Arizona, en Polynésie ou en Egypte antique. Seule Nina Childress reste à errer dans le Péloponnèse. Rondeau sur fond rouge n’en est pas moins l’expression d’un pittoresque. Celui-ci, devenu classique de la Rome renaissante, se prenant pour Athènes à l’époque de sa splendeur, arbore putti, périzonium et instruments de musique toutes gorges déployées.

Dans un recoin se cachent deux fantômes, The ghost clown, traditionnellement drapé de blanc par Marine Weber, et le portrait de Tom Cruise devenu Vioc de Guillaume Pinard. Tout à côté – pareil à une prise de guerre –, Rhythm is my only compagnon de Vincent Olinet parachève de ses oripeaux suspendus la défaite joyeuse des Européens.

[1] Pure vue de l’esprit, les vasques n’ont d’autre but qu’hygrométrique.