Des tableaux de belle facture et richement encadrés sont accrochés, accolés à des photographies leur servant de cartel. Ce sont des images tirées d’un logiciel de localisation satellite. Sans charme, parfaitement lambda, indiquant précisément les coordonnées des toutes petites villes chinoises où furent prises les photographies à partir desquelles ont été réalisées les peintures. Celles-ci représentent des intérieurs sombres, caractéristiques des régions rurales chinoises. On y reconnaît un exotisme de bon aloi, de la pauvreté, et la dignité des mises en scène des soirées de charité.

Le propos de Xu Zhen avec MadeIn Company n’y est pas clair. Produire de la peinture chinoise au mètre carré, fine, sans profondeur, riche et souple, comme l’on fabrique des produits de luxe pour l’exportation ? En subvertir les qualités grâce au parasitage de l’aseptisation ; réussir à mettre en avant ce qu’il se fait de plus propre dans les ateliers de copie photo-réaliste et en revendiquer la dimension collective tout en mettant en avant son nom propre ?

Made InCompagny ne saurait faire l’impasse de l’histoire. Il y a dans ce réalisme une dénonciation gorgée de séduction qui soulève le cœur aussi impeccablement que les grandes machines de la peinture de la fin du XIXe siècle. Ténébreuses comme au spectacle dans leur cadre doré, sucrées dans le rendu des étoffes, violentes et molles du genou alors qu’au paroxysme du raffinement l’absence totale de repentir crie à l’observateur la circularité de la pensée qui l’habite. Celle d’un engagement de l’art auprès du peuple qui fait pleurer dans les chaumières bourgeoises où l’on se gave de sel du matin au soir. L’écœurement est vif. Et pourtant, la peinture y est sincèrement meilleur qu’ailleurs, l’artisanat dont elle est issu n’étant pas disqualifié pour lui-même, le projet probablement honnête – rien ne laissant penser le contraire ; reste le vertige d’une œuvre dont il faut éviter de toute part les sollicitations, au risque de finir par danser avec elle l’inacceptable et pourtant incontournable valse de l’éthique.