Les tissus de La Réserve d’essais cousus (depuis 1969) sont déroulés. Ils se déplient au sol et prennent différentes positions ; autant de formes minutieusement arrangées et côte à côte en un formidable. Ces trésors d’invention plastique sont offerts à l’étendue du regard comme un marchandage de tissus précieux. Silencieusement une teinte en recouvre une autre, et encore une autre, sans fin dans leurs combinaisons.

La première série d’œuvres (1963-1969) est à activer par les visiteurs. Une fois le tissu dans l’espace expérimenté, il faut le replier, précieusement, dans l’économie de la place, comme si l’on rangeait le linge de maison d’un grand hôtel. Une même et grande parure faite de toutes formes dont la diversité d’emploi s’exprime à une, deux, trois personnes, voire beaucoup plus si l’occasion est donnée.

Cet environnement matelassé, presque capitonné, fait de housses, de formes et de contre-formes semble absorber les volumes et l’espace qui l’entoure. Les notions de plein et de vide perdent leur sens logées dans ces sculptures de membranes. Elles s’y trouvent absorbées aussi irrémédiablement que le serait un filet d’encre entre les fibres serrées d’une feuille de buvard. Avec elles disparaissent les racines problématiques du rapport aux corps des autres puisque tout est assemblé, tout est cohérent, tout en étant soigneusement cloisonné. L’enveloppe souple du réel permet à la pensée de s’y glisser. Les choses ayant perdu leur rigidité, tout en ayant conservé leur capacité à formuler une présence tangible ; ainsi devenues discrètes, elles deviennent langage. Franz Erhard Walther a d’ailleurs produit un Alphabet, sorte de digression linguistique quelque peu didactique, mais qui met parfaitement en évidence les tensions arbitraires qui les habitent.

Au dernier étage de l’exposition, l’archive dessinée de l’ensemble des expositions auxquelles a participé l’artiste est rassemblée aux murs. Par terre sont disposées des formes plates – comme des stopages étalons – mais dont les sinusoïdes ont été produites à partir de postures humaines. Des postures de repos figées dans les étoffes qui en ont abrité les rêves.