À lui seul le titre de l’installation de Douglas Gordon plonge dans la perplexité. Presque tous les films ? À vrai dire, face à eux, on peut aisément penser qu’ils y sont tous – tous diffusés sur de petits moniteurs, comme dans les magasins de téléviseurs où les écrans superposés à longueur d’espace envoient des images, dont le nombre et la lumière happante qu’elles répandent attrapent le regard plutôt qu’elles ne le séduisent.

Aucun film ne fait concurrence aux autres, ils ne se cachent ni ne se font d’ombre ; disciplinés, ils crépitent dans la salle obscure qui les abrite avec la même conscience insistante qu’ont les figurants dans les films à grand budget : ils font ce qu’il ont à faire – être présent, lèvent le bras quand il faut lever les bras, se mettent à courir quand il faut courir, piétinent, dansent et font les bêtes quand on leur demande de le faire. Certains d’entre eux sont cependant accompagnés de bandes-son. Mais on a du mal à distinguer laquelle va avec lequel ; réduites à l’importance d’une vignette, les images se dissolvent dans le bruit, s’y accommodent avec complaisance et le partagent généreusement. Un véritable kolkhoze artistique.

Dans ce théâtre miniature où tout est un peu risible, la grandiloquence a disparu et l’état de grâce aussi, ne restent que les images montrées comme si elles n’importaient pas. Toutes se valent ; toutes ont la même importance a priori. C’est à cette condition que l’engagement des observateurs se réalise. L’herbe coupée sous le pied du spectacle, la séduction du choix de l’artiste anéantie par l’exhaustivité de la proposition, la fatigue des écrans agissant, rien n’est plus facile que de sombrer dans une douce somnolence, or il n’y a pas de banc, nulle part où s’asseoir. Il faut agir et la seule action possible est celle d’avancer, de regarder et de tenter un peu de voir. Sauf l’on ne voit rien – ou presque rien –, on reconnaît un peu, on associe des souvenirs, et l’on essai de s’ouvrir à au moins une vidéo. On n’y parvient pas.

Telle est la leçon de Douglas Gordon.