En entrant dans l’exposition Véronique Boudier à la Galerie Christophe Gaillard, on se retrouve face à un mur. Une grande cimaise bleue qui barre le chemin et crée de petits espaces aigus, étroits et peu pratiques. Comme si son travail ne pouvait pas être montré autrement que logé dans des espaces malaisés et aveugles. En l’occurrence, l’espace est construit de telle sorte qu’il semble reproduire l’encombrement temporaire d’un appartement en plein déménagement. Ici et là, les choses n’ont plus le rôle qu’elles avaient autrefois, rassemblées pour être déplacées, elles occupent le sol et barrent la route. La grande cimaise coupant toute la lumière naturelle, l’exposition baigne dans un dégradé d’ombres, mais où l’obscurité n’est jamais totale.

La couleur de ce mur a beau être rassurante – franche et chaleureuse –, cette première impression frontale conditionne une déambulation incommode où les pas, inquiétés et préoccupés par l’appréhension de ne rien heurter ni renverser, tâtonnent entre les œuvres. Celles-ci, miroirs ovoïdes imprimés de visages féminins, formes géométriques éclairées chacune par une ampoule différente et colorée, se découvrent teintées par le résidu d’inconfort impliqué par la scénographie.

Au sous-sol, une cabane faite de couvertures de survie abrite une vidéo. On y voit, suspendue à un fil, une lampe se balançant dans le noir et la musique. Ce n’est que parvenu dans cet antre, ultime espace imbriqué que met en place Véronique Boudier, qu’on la découvre, elle, dansant au bout du fil. Les reflets créés par le balancement cadencé se répercutent sur les parois de papier brillant ; la musique évoque les guêtres, les collants et les salles de modern-jazz. Elle en a l’entrain et la désuétude un peu kitsch, celle des atmosphères au port souple sur fond de laine et de transpiration. À aucun moment le visage de l’artiste n’apparaît, pourtant ses mouvements amples et gais transmettent quelque chose de ses expressions sautillantes et juvéniles.

Enfouie dans sa cabane dorée, Véronique Boudier délaisse le sérieux des métaphores agencées au rez-de-chaussée. Ce grand œuvre elle semble l’avoir laissé de côté, en chantier : en plein déménagement. Ce n’est pas qu’elle n’en veut plus, mais plutôt qu’en entend bien ne pas le livrer si facilement. Dès lors elle danse.