Grey Flags est une fête venant de mourir. Parcouru d’une étrange accalmie, son décor froncé de papier cadeau distille à la visite une surprise similaire à celle que l’on connaît quand on pénètre dans une fin de soirée en même temps que la lumière du petit matin. Il est suffisamment tôt pour que rien ne bouge, mais tout est déjà en ordre, les dames du nettoyage sont passées et ne restent que le demi sommeil des ultimes noceurs. En s’y mêlant on se rend compte que rapidement on ne parvient plus à savoir qui est déguisé et qui ne l’est pas, personne n’y est réellement saoul, les drames se sont éteints, on ne rit plus : le repos s’est abattu sur le sol péguant.

Dans le calme et la pénombre survit cependant un bruit mécanique. Un bruit saccadé d’éclairs blancs et de danse du ventre qui saute aux yeux comme bondissent les diables de leur boite ; avec la même joie d’effrayer ; le même aveuglement dionysiaque dans l’excès ; la même indifférence quant à la personnalité de ceux qu’ils surprennent ; le même déterminisme agaçant.

Cette fête est à la fois décorée et occupée par les œuvres. C’est Seth Price qui mène la danse. Armleder, Ardouvin, Ange Leccia et Olivier Dollinger sont à l’ambiance. Aux murs des portraits à demi assoupis observent les visiteurs. On y croise les beautés de Roe Ethridge, celles d’Ida Tursik & Wilfried Milles, les fantassins montés sur une table de Veilhan, les monstres de Tony Oursler, les nains de Corentin Grossmann, le regard noir de Damien Cadio, et d’autres encore, tapis dans les angles. Ces créatures assommées, délibérément boiteuses pour certaines, fantasques avec leur maquillage permanent, s’offrent à la vue de chacun avec toute l’exubérance fanée d’une troupe de divas, d’étoiles et de petits rats grisés mais épuisés. La vulgarité et l’intelligence mélangées narguent ceux qui, arrivés trop tard à la fête, divaguent parmi elles en pointant du doigt un néon de Claude Lévêque : et bien, Riez maintenant.