Dire qu’il est question de femmes ne serait encore rien dire. Picasso les dessina inlassablement.

Serrées les unes contre les autres et légèrement pliés par le vent, Trois femmes sur le sable (26 juin 46) regardent de leurs yeux ronds dans une même direction. Le trait est franc, incisif, comme si Picasso pour les réaliser tranchait dans le sens de la hauteur la feuille posée devant lui. Seule la mer en arrière-plan coupe horizontalement ce dessin. Dans la composition c’est elle qui attire le regard. Mais pour l’atteindre, il doit passer dans la grille serrée des corps féminins au travers de laquelle il se charge de seins et de contre-formes. Il s’y faufile de haut en bas, comme s’il les reluquait ; passant le long de leurs bras, sur leur ventre, partout. Chez Picasso le regard est une main.

Femme encore, Assise à la plage (10.2.37), occupée à se gratter les orteils. Elle est représentée aussi faible que si elle venait de nager des heures durant. Sa gestuelle la couvre de plis et fait bomber son gras qui perle comme perle l’eau gorgée de sueur sur la peau d’un Tireur d’épine tout juste sorti du bain. Ses rondeurs sont tout l’opposé de la Femme au fauteuil que Picasso réalise un an plus tard (5 mai 38). Elle, droite et entièrement habillée, tient contre sa poitrine un nourrisson emmailloté à peine visible. Son profil est fier, posé pour l’artiste dans une expression déterminée et attentive mais pourtant complètement détachée de ce qui est en train de se passer, en un sens presque nonchalante, ses jambes ostensiblement croisées. Pas même la chaise bancale sur laquelle l’artiste l’a fait s’asseoir semble la perturber.

Retour à la mer, Quatre baigneuses (1920) s’ébrouent en pleine eau. Pareilles à des crustacés antédiluviens, elles nagent et s’étirent, leurs corps remplissent l’espace comme si leurs membres étaient de souples et filandreux tentacules de calamar ; auxquels, l’aplatissement de la perspective donne l’impression d’être sur le point de griller au barbecue.