On pénètre dans la rétrospective de Bill Viola au Grand Palais comme dans un corps ; les salles sont plongées dans le noir, mais gorgées de lumière et de transparences flottantes qui organisent l’espace en petits boyaux à l’intérieur desquels s’activent d’étranges fonctions vitales.

La première œuvre de ce suspens est Reflecting pool ; une étendue d’eau verte où se reflètent des ombres et des phénomènes lumineux difficilement identifiables. On attend – la vidéo demande 7 minutes, 7 minutes initiales durant lesquelles on comprend que l’eau est une membrane sur laquelle le temps fait écho, va et vient, se distrait et change d’avis. Ce temps, que l’artiste manipule au point de donner le sentiment aux visiteurs distraits que leurs semblables en ont perdu toute notion, s’incarne et prend chair lentement, sans masse, mais tout en longueur et en distance. C’est de cela dont il est question dans Nine Attempts to Achieve Immotality. L’artiste y retient son souffle 9 fois d’affilée, faisant de ces fragments la possibilité de sa mort de la même manière qu’il fait du temps de ses autres vidéos la possibilité de sa vie.

Pour cela, il filme des durées immobiles, du temps enfermé dans des films dont les observateurs, conditionnés par le médium, savent trop bien que tout peu advenir à tout moment. Cette durée constitutive de médium est à la source de la tension que Bill Viola parvient à construire entre suspens et lenteur dans son travail. Les mécanismes qu’il met en œuvre s’en trouvent redoublés ; le sommeil, la marche, l’introspection, propices à l’augmentation de l’anxiété comme de la paix, scandent le parcours de l’exposition et par leurs réitérations entrainent les visiteurs vers une forme de méditation hoquetante. Entre les soubresauts – sorte de moments de conscience qui emportent les émotions comme le ferait une vague gigantesque, coupant le souffle et les jambes des observateurs –, le calme plat des vidéos entrecoupées de couloirs sombres donne à la visite un temps quantifiable, un temps humain dans lequel on prend plaisir à se laisser aller à rêver.