Le travail de Louise Lawler opère en glissant ; un mouvement continu qui trouve son origine dans les œuvres, qui s’étire et qui enfle, pour remplir l’espace mental les séparant de leurs observateurs.

Sur les murs de la Galerie Yvon Lambert, collées à l’adhésif noir, des images dessinent des scènes d’intérieur très faiblement contextualisées mais chargées d’œuvres d’art. Ces images reprennent les photographies que réalise l’artiste. Prises dans des musées, des foires, chez des collectionneurs et dans des entrepôts, partout où les œuvres transitent, où cohabitent logiques spatiales et esthétiques, soit autant de micro histoires, parfois longues comme une vie, parfois juste le temps d’une vente. Passées à la bichromie ces images font un pas supplémentaire vers une mise en abîme de leur sujet. L’idée de l’œuvre, qui initialement n’était déjà qu’une poupée russe placée à l’intérieur d’une autre poupée, elle-même certainement creuse et féconde d’autres poupées, toutes représentant des expériences différentes et pourtant absolument liées, devient un signe. Une simple succession de traits noirs, hygiénique et mécanique.

Malgré cette digression Fontana est toujours aussi incisif, On Kawara compte les jours, Damien Hirst tranche un veau en deux, les titres et les détails ne changent pas ; ce qui varie c’est le travail de Louise Lawler, tel un filtre déposé par-dessus chacune d’elles il donne une profondeur inattendue à la lecture de ce mur où presque rien ne se passe. Il s’agit du filtre de l’observateur, celui de l’expérience, du connaisseur qui reconnaît et déchiffre les signes, qui les empile dans son champ de vision, et qui joue avec comme à un jeu de massacre.

En ôtant de son travail toute forme de sensualité, l’artiste parvient à mettre l’observateur de son œuvre face à la lui-même, à ses propres connaissances, à son bagage d’habitudes et de réflexes. L’effet est immédiat, mais ne se prononce pas sur ceux qui, devant elle, se présenteraient sans aucune de ces connaissances, vierges de toute facilité. À ceux-là, l’œuvre de Louise Lawler offre le plus pur des langages barbares.