Stephen Felton peint de grandes toiles, des carrés écrus sur lesquels une couleur à chaque fois dessine une forme. Ces peintures et ces signes, auxquels il semble irrémédiablement attaché, comme on peut l’être avec de vieilles habitudes qui nous consolent tout autant quelles nous minent, sont alignés bas sur le mur, scandant avec la minutie répétitive d’une berceuse leur conte balnéaire.

Un couteau jaune, pointe en bas ; des vagues bleues forment une houle ; une barque marron calmement reposée ; un oiseau rose ; une herse, un arc, un portail et des  rangées de bâtonnets cochés cinq par cinq ; puis une voile bleue, du même bleu que celui des histoires de marins que l’on raconte aux enfants, ce bleu tendre qui se laisse pénétrer par le regard comme l’on plonge dans les eaux fraîches d’une crique de basalte, et dont on apprend bien plus tard qu’il est aussi celui, terrible, de l’Odyssée, de la mer, et de Melville.

Ainsi, les couleurs pastel avec lesquelles les signes ont été tracés par l’artiste sont ceux d’un été au bord de mer, une saison proverbiale racontée depuis des lustres, un long été où les enfants auraient joué sans pleurs ni coups de soleil, et dont on attendrait le retour tous les ans. À mesure que l’histoire s’est éloignée, que son souvenir s’est chargé des maintes fois où il fut envié, une trame s’y est superposée. C’est elle qui lui a permis de continuer à être racontée et qu’utilise Stefen Felton dans son travail. Elle est faite d’éléments archétypaux opposant à la joie originelle des heurts et des épreuves imaginées pour en accroître le prestige. Son temps en fut d’autant allongé, l’été primitif finit par durer bien des années pour ne s’achever qu’au soir de la vie de ceux qui la passèrent à courir après.

C’est un été où un cachalot aurait été péché – dessiné sans œil ni expression – ; s’il avait été tué, il serait devenu totem de ce temps de bonheur.