La peinture de Jason Martin n’est que matière ; ni surface, ni objet, ses toiles sont des espaces recouverts de toutes parts d’une épaisse peinture monochrome que l’on s’imagine être le résultat d’un seul geste. Un geste qui ne serait que couleur ; d’une peinture crémeuse, souple comme de la pâtisserie américaine pleine de colorants.

Or, étrangement, ce sentiment tactile est contrebalancé par la présence presque irréelle de ces peintures. On a beau s’avancer, on ne parvient pas à en épuiser le fond. À chaque instant, à chaque pas effectué pour s’approcher ou s’éloigner, le regard, pris de doute, doit se réadapter. Car une fois que nous sommes saisis par elles, la perception des distances s’estompe, l’atmosphère se charge de scintillements poudreux qui nous enveloppent et nous étourdissent comme le ferait un nuage de farine que l’on recevrait en pleine figure après y avoir éternué. En un réflexe, les paupières fermées se voient tapissées d’une pellicule de petits picotis d’outremer pur, de figue blanche, de peau d’orange et de crème fouettée.

Puis, en rouvrant les yeux, à quelques centimètres de la peinture, le nez sur les pigments, ceux-ci dévoilent un aspect duveteux, délicatement posé, comme si aucun liant n’était intercalé entre eux ; de la sorte, ils semblent en avoir contaminé la surface à la manière des mousses et des moisissures, s’épanouissant en de microscopiques floraisons aux bourgeonnements parfaitement anarchiques tout en donnant le sentiment que l’expansion de l’ensemble est régie par une mystérieuse équation que seul l’artiste maitriserait et dont les toiles, pareilles à des boites de pétri, présenteraient les résultats d’années de culture microbienne.