Une longue frise de dessins serpente face à l’entrée de la Galerie Jousse Entreprise. De format identique, alignés en deux ou trois ramifications, eux-mêmes représentant des fragments de végétaux, des feuilles et des morceaux de tiges mordus par des ravageurs, ces dessins forment une dentelle aussi délicate qu’uniforme.

Peu après est accroché un texte écrit par Santiago Garcia Navarro, une littérature quasi incompréhensible pour le visiteur debout. Non pas qu’il ne dise rien, ni que sa forme soit absconse, mais plutôt que sans commencement, ni réelle fin, on y pénètre par surprise comme l’on peut pénétrer dans une salle de cinéma au beau milieu d’une projection simplement pour se laisser bercer par le fauteuil et l’obscurité. Or ici point de fauteuil, point d’obscurité. L’histoire est déjà commencée et de ce fait, c’est presque comme si elle n’existait pas ; le fil narratif disparu, ne reste que la forme, les mots à la suite les uns des autres et les bribes d’images que l’on y colle par peur du vide.

Comme à chaque fois que l’on se trouve dans cette situation, floué d’avoir l’impression d’être promené par l’artiste qui refuse délibérément d’être franc, on sort du texte avec la même nonchalance avec laquelle on y avait pénétrée. Toutefois, quelques éléments subsistent, comme un écho à ces plantes sinueuses dont la vue d’ensemble nous avait dispensé d’examiner un par un chacun des spécimens.

Une dernière pièce présente un film ; on y trouve sièges et obscurité, il y est question d’Inde, une longue vue de lacustre accompagnée de bruits de forêt, d’insectes et de barques. L’apparition concomitante du télégraphe et de la photographie entre les villes de Delhi, Bombay et Calcutta, l’accélération des communications, le pouvoir qu’elles confèrent, les ramifications sociétales court-circuitées par l’immédiateté sont racontées par un narrateur. Un sous-bois gorgé de racines et de branches – toutes issues du même arbre gigantesque et tentaculaire – arrête la caméra, prise dans ce réseau végétal, incapable d’en proposer une vue totale et parfaite, elle progresse par allers-retours, arpente la parcelles ; elle traine, sans début, ni fin, comme une mise en application des sentiments que l’on avait perçus quelques instants auparavant face aux dessins et au texte.