L’exposition de Virgine Yassef est faite de matériaux de construction, structures en pin bon marché, résines, rivets, mécanismes divers, le tout caché sous des textures imitant le bois, la pierre ou le végétal.

De l’artiste on reconnaît le goût pour les parcs d’attractions, le statut si particulier que ces lieux attribuent aux notions de vrai et d’authentique, les reconstitutions de carton-pâte ordonnées en environnements, dont on ne sait pas si elles sont fausses, si elles imitent le faux ou si elles sont tout simplement authentiques tant elles singent leur propre démenti. L’objet du doute, tronc d’arbre décharné posé en plein milieu du passage est si évidemment en toc, il est si facilement identifiable en tant que pastiche que, redoutant d’en être le dindon, on se met à regretter de ne pas y avoir un peu plus cru. Il faut dire que, monté sur son petit moteur lui actionnant les branches, gigotant tranquillement et par intermittence, il donne envie d’éveiller pour lui quelques souvenirs d’enfance. De ceux que l’on attrape au cinéma aux alentour de Noël, quand un parent pris d’un désir de bien faire, mû par la volonté de transmettre à son tour une culture qu’il avait lui même attrapée, comme un rhume dans la cour de son école élémentaire, décide qu’il fait un temps à aller se réchauffer devant une histoire de princesses, de monstres et de fées en tutu.

À ce picoti, peu désagréable, mais saisissant en ce qu’il se trouve être parfaitement inévitable, s’associe l’étrange et perverse satisfaction de goûter l’imprécision séparant notre statut de victime de celui de rescapé. La moquette imitant vaguement l’herbe profonde et synthétique de nos illusions d’enfant, parsemée de faux rochers aux formes idéales, achève de semer le doute. Inoffensives et régressives, ces sculptures attirent à elles car l’on veut croire qu’elle ne sont qu’un rappel de vaccin ; vaccin que l’on pense inutile et dont l’on se jure de n’avoir jamais eu besoin, tout cela était pour les autres ; pauvres autres. Et pourtant, en y pensant, on finit par se demander si Virgine Yassef ne serait pas en train de jouer avec de l’alcool à une réunion d’anonymes.