Dans l’espace réarrangé, les meubles deviennent des obstacles, partout où l’on voudrait circuler, on se heurte. Contraint, on les évite. Mais si les pas sont entravés, le regard lui progresse, rallongeant considérablement le parcours, pareil en cela aux dentelles de buis aux abords des châteaux français, si promptes à rendre son autonomie à la vue. Sous certains angles des œuvres escamotées réapparaissent ; alors que l’on croyait faire face à un cul de sac, d’autres sont réassociées, avant de devenir à leur tour une gêne.

Or rien n’est végétal dans ce sous-sol à salpêtre, les murs voutés font corps avec une poussière blanchâtre qui marquent les imprudents croyant fuir un instant l’exigence de l’accrochage en se reposant tout contre eux. Les dessins de Jean-Baptiste Bernadet ont la couleur de ces particules grisonnantes, ocre et oxydées, dont ils semblent en être un badigeon – moisissure rampante contenue entre deux feuilles de plexiglas. À ces nuances, la pâleur nacrée des peintures de Maude Maris offre l’aspect érodé que l’on trouve dans les cavernes où rien n’a bougé depuis la nuit des temps et où, pourtant, les formes et les creux accusent l’usure de l’humidité et de la vie microbienne qui les a lentement façonnés.

À pénétrer cette caverne, on s’effraie qu’au moindre mouvement brusque, tout pourrait s’envoler en nuages, cette fausse stabilité, simulée par le silence immobile y régnant est un leurre, chaque particule est à sa place, et toutes sont suspendues en un équilibre précaire, alvéolé d’effondrements potentiels, piqué de cataclysmes microscopiques mais innombrables. Cette caverne, à peine l’aura-t-on abordée, à peine y aura-t-on élevé la voix, que déjà plus rien n’en subsistera.

Alors, les vidéos de Lina Scheynius ne tourneront plus que pour être retrouvées. Les monticules mousseaux de Mimosa Echard se fossiliseront aux côtés des tiges de Rémy Brière, plantées dans la masse comme des bâtons de skieur pris sous une avalanche ; et seront observées avec une extrême prudence, à la fois boussole bloquée, matière à aruspices et formidables symptômes calcifiés.