La galerie de photographies Nue n’est pas facile d’accès, mais il est important de la trouver. Dans son fond de cour briquetée, elle prend le risque et toutes les difficultés d’une programmation centrée sur le corps.

Entre documentaire et performance, les photographies de Ren Hang montrent des corps agencés comme s’ils participaient au programme d’un spectacle aux milliers de figurants. Un ballet de parade, exigeant de chacun une neutralité absolue, l’absence d’expression et, surtout, la capacité de ternir la pose. Survivance d’une utopie qui dépasse l’individu, dans ces photographies, ils ne sont pourtant plus très nombreux. Trois, quatre, parfois seul, ils tentent de pousser à son terme l’idéal visuel d’un communisme aussi viscéral que policé.

Dans certaines images, les membres, noués comme pour un exercice de lutte gréco-romaine, ferment des clés autour des coudes et des poignets. Les torses se combinent nus. Pareils à des cages devenues trop petites pour les êtres qu’elles renferment, les jambes et la bras enchevêtrés laissent apparaître en leurs croisements des renflements de muscles bandés, mais immobiles. Dans d’autres photographies figurent de jeunes hommes et de jeunes femmes disposés dans l’espace telles des quilles dans un couloir que vient remplir, non pas une boule de bowling mais, semblable à une vague de brume, l’ouverture de l’appareil de l’artiste. Le photographe les saisit dans le cadre de son objectif et parachève une composition dont il semble cependant ne jamais être l’instigateur. Et pour cause, même à l’arrêt, les corps conservent toute leur mobilité potentielle.

Aucun n’a l’air de souffrir, ils évoluent les uns vis-à-vis des autres avec un naturel et une simplicité étrange, comme s’ils étaient heureux et résignés.

Or, touts sont nus, ont les cheveux noirs, et tous ont abandonné leur personnalité en même temps que leurs vêtements. Comme si c’était une façon pour eux de signaler qu’une fois rhabillés, leurs corps perdront cette plasticité ; il est presque certain que la prochaine fois qu’à nouveau ils se dévêtiront, ils seront encore moins nombreux, et tout à la fin, seul dans sa propre baignoire, l’illusion disparaîtra pour toujours.