Le MUba de Tourcoing est un lieu froid que l’exposition Baselitz / Leroy anime d’une foule de personnages peints. La première salle, haute et aveugle, que pénètre une lumière blanche et zénithale est remplie d’enfants renversés. Ils sont roses, jaunes, marron et verts, ce sont les frères, les sœurs, et Baselitz lui même qui, sur des toiles gigantesques, se répondent telles des vagues de rires bruyantes et syncopées. La peinture de Georg Baselitz est à ce prix, elle glisse et zigzague entre les traits des visages sans se soucier des éclaboussures et des accidents. L’artiste marche dessus à coup de brosses dégoulinantes, de haut en bas et de gauche à droite, il recouvre ses toiles d’un geste leste qui ressemble à celui, alerte, mais moins empreint d’automatisme, d’un laveur de carreau, voire de celui d’un plongeur de restaurant. Ainsi menée, l’huile marque les yeux, tend les contours des visages, creuse les bouches et les narines, elle y fait passer un souffle nerveux qui ne demande qu’à rebondir et postillonner entre les dents des modèles enfantins déployés sur les murs comme une guirlande d’anniversaire.

En vis-à-vis, les toiles de Leroy portent le même mouvement, mais chez lui il est pris dans une épaisseur beaucoup plus profonde. On s’y enfonce, dans ces explosions voilées de poussière de peau. Les accidents y sont d’écume pétrifiée. Dans leur immobilité, les remous à la fois acérés et stoppés vibrent encore du bruit de leur naissance.

Alors que la peinture irrigue la figuration chez Baselitz, elle la pénètre chez Leroy ; elle s’y fraye un chemin, elle s’y applique comme un labour venu du sous-sol. Celle de l’Allemand est poisseuse comme un sol un lendemain de fête qui s’éternise, celle de Leroy, jonchée de braises et d’ossements, est calcifiée.

De loin, l’une et l’autre semblent lisses et, pareillement, se transforme dès que l’on s’en approche. À vouloir mieux voir on fini par se coller les cheveux à des restes de gras, de bière, de sueur et de fruits éclatés.