Les six petits films de la suite que Jessica Warboys présente à la Galerie Gaudel de Stampa ont été tournés à la campagne. Près de la mer – dont parfois on entend le bruit –, ils sont parcourus d’événements impromptus, de coups de vent, d’étendues calcaires, d’érudition et de mysticisme naïf. L’air des Cyclades y est constamment présent ; et bien que se déroulant assez loin des rivages méditerranéens, la coterie qui fréquente les lieux filmés par l’artistes, groupe secret et que l’on ne voit jamais à l’image, entretient le feu des dieux dans des temples somptueux.

Ce sont d’abord des falaises recouvertes de garigue où roulent des pierres. Des nocturnes entourés de tonnerre, une éruption de lave, puis la mer à nouveau, la nuit, et une main tenant les objets d’un rituel visuel.

Les musiques qui accompagnent ces courtes vidéos, alertent l’observateur de leur dimension télévisuelle. Parce que Jessica Warboys consent à filmer ces moments, ceux-ci sont donnés avec une enveloppe, décalage ontologique imposé par leur incarnation.

L’une des vidéos prend place dans un vieux musée. Adossés aux bibliothèques chargées d’ouvrages passés, des cadres vides et usés, des tableaux pâles, occupent les premiers mouvements de la caméra. Sur des tables et sur le sol, les piles de papiers et les documents en cours de consultation donnent à l’endroit le sentiment d’une activité arrêtée. Il n’y a personne. La poussière accumulée sur les dossiers des fauteuils aux tapisseries tannées par l’assise répété des lecteurs et des flâneurs interpose son voile entre la réalité supposée du lieu et le regard qu’en propose la caméra. Le mouvement de l’image, à la fois discret et observateur, flotte de détail en détail, s’arrêtant parfois sur un portrait, longeant les rayonnages où alternent les couvertures ocres et roussies, et passe de l’un à l’autre avec l’aisance que confère la curiosité des gens lettrés. Sa lente ascension rotative, allant du plancher à la verrière surplombant la pièce, se heurte au vitrage. Alors, comme un flocon dans une boule à neige, l’image retombe au sol, brouillonne et divinatoire.