Entrant dans l’exposition des photographies d’Hannah Whitaker à la galerie Christophe Gaillard, on songe à un trop plein de spots.

Tant de reflets.

Les deux photographies qui constituent 36 Antipopes sont parsemées de points lumineux. Régulièrement agencés sur la surface, comme s’ils n’étaient pas inclus dedans, mais portées par les images trop violement illuminées par l’éclairage, ils obstruent les plantes de salon qui semblent être le sujet des photographies. Ces flashs lumineux font en fait partie de la composition.

Les autres photographies de l’exposition portent le même type de questionnement, ce sont tantôt des faisceaux, tantôt une myriade de pointes incandescentes, parfois encore des trames noires superposées à l’image, des formes découpées selon des systèmes de multiplication pareils à ceux utilisés pour réaliser des guirlandes en papier. Tous donnent une surface gaufrée aux images photographiées ; bien que plates, elles donnent l’impression d’être des bas reliefs mécaniques, faits de miroirs, de caches, et de lentilles grossissantes. Le rapport entre l’image prisonnière et l’outil visuel qui s’y applique perturbe la narration ; les éléments figurés au second plan, colonisés par le motif, presque enfermés ne peuvent être lu que selon une logique qui leur est extérieur, une logique de l’ordre du décoratif. Les paysages et les visages que l’on y voit sont anodins, mais, rendu dépendant par l’action de l’artiste, il acquiert une spécificité.

Les photographies rassemblées au sous-sol complexifient encore l’entrelacement des images et des procédés. Ce sont des objets, des morceaux de couleur plastique, une paille, un bouchon de bouteille, une coulure de goudrons, du gravier, rien que des signes qu’Hanna Whitaker compose, et recompose, avec un souci architectonique rappelant les travaux des avant-gardes russes. Le sujet totalement éclipsé, ne reste que la composition, le goût des matières, et pourtant, en grattant, en séparant visuellement et mentalement les strates, une image conserve un attachement au réel. Ces images ne sont jamais totalement perdues ; avec elles, la narration ne tient qu’à un fil mais résiste, devient élastique, s’éloigne et se tend pour presque disparaître sans toutefois jamais céder.