La première œuvre visible dans l’exposition d’Eberhard Havekost à la Galerie Hussenot se nomme Komik ; une bête, sorte de gros chien bleu qui ouvre la gueule et la dentition qui va avec sur presque toute la surface de la toile.

Suivent d’autres tableaux, plus énigmatiques encore. The end b11 et The end2 b11, deux suites de morceaux roses, bleus et parme, totalement flous et indistincts, mais portés par l’image universellement partagée du coucher de soleil. Leur aspect cotonneux se confond dans l’idée que l’on se fait de l’aube et du crépuscule en format 16/9e, d’autant qu’ils sont d’une dimension proche de celle des écrans plats avant qu’ils ne soient pris de gigantisme – autrement dit, il n’y a pas très longtemps. En les voyant, on songe à la télévision, aux cartes postales, aux expériences de mort imminente de série B. La multiplicité des axes de lectures les rend illisible, on ne peut même plus dire qu’il s’agit de stéréotypes tant ces images passent à côté de toute forme d’idéalisation. À la fois profanes et sacrées, banales et sublimes, elles réussissent le tour de force de n’être rien.

Ainsi, les sujets des œuvres d’Eberhard Havekost , ou plutôt ce que l’on identifie en les regardant, s’impriment dans nos rétines sans qu’il soit possible de faire un lien entre eux. Qu’il s’agisse de blattes, de pans de mur, de modules de rangement octogonaux, de champignons, tous les sujets du peintre semblent être issus d’un Guinness des records de la platitude. Les couleurs coupées et la composition au plus juste participent au refroidissement que la peinture impose à ces images. Même quand il utilise un geste abstrait, qu’il arrache sa peinture, qu’il la torche au couteau à peindre, Eberhard Havekost  semble appliquer un programme réduit. Et pourtant, aucune frustration ni nihilisme n’alourdit ce refus d’expressivité. Car la facture est belle, très fine, juste assez riche pour être marquée par les revirements de la main. Dans cet espace infime, laissé branlant entre l’idée et sa réalisation, entrebâillement que l’artiste combat, mais contre lequel il ne cesse de perdre, le principe de diffraction veut que plus il ferme l’obturateur, plus la qualité de sa peinture se répand sur la toile. Moins il en dit, plus il est présent.