Depuis sa vitrine droite à l’entrée, un grand autoportrait scandé de coups de pinceau noirs, rouges et bleus ouvre l’exposition d’A.R. Penk à la Galerie Suzanne Tarassiève.

À l’intérieur, trois imposants tableaux occupent, du sol au plafond toute la surface murale disponible, comme s’ils étaient des panneaux décoratifs. Ils forment une sorte d’antichambre, petite mais ample, juste assez importante pour recevoir, faire patienter, et laisser imaginer la suite. Les trois tableaux usent du même alphabet restreint. Des signes qui remplissent méthodiquement la toile. Brutaux, à la brosse noire, ils sont agencés les uns par rapport aux autres selon un souci de rationalisation de l’espace, de telle sorte que jamais ils ne se croisent ni se chevauchent. Chacun d’eux est occupé par une figure debout, les bras levés et les poings fermés conférant à l’ensemble une monumentalité impressionnante, mais qu’adoucissent les lacunes, laissées blanches, lieux d’éclaboussures et de filets de peinture, joyeux et mous comme des nouilles chinoises artisanales.

Cette première pièce dessert le reste de l’exposition où se poursuivent les variations de vocabulaire. Les couleurs se multiplient, les figures humaines se complexifient, une véritable gestuelle moderne apparaît à mesure que l’on suit l’avancée du travail. On comprend que ce qui semblait n’avoir aucun sens autre qu’architectonique s’avère participer d’une peinture d’histoire. Les femmes, la ville, la communication qui remplit tout et rend sourd, sont les principaux éléments de l’iconographie des années 80 chez Penk. Essentiellement urbaine, la répétition des formes laisse croire que l’abrutissement des masses est le sujet principal de cette fresque. Or celle-ci est plus subtile. Si les figures masculines sont mécanisées et leurs mains transformées en outils, celles féminines marquent une certaine sensualité. Dans les dessins visibles à l’étage, la peinture, maîtresse violente et insatiable, exige une production rapide et saccadée. Les corps ronds envahissent l’espace et multiplient les présences différentiées. Une dizaine de feuilles sont présentées, mais à les voir on en devine des centaines d’autres.

Dans les années 80 comme dans les hôtels particuliers du XVIIe siècle, Mars et Vénus se font la cour, s’observent, s’épient, et nous édifient.