L’exposition du travail de Thierry Fontaine à la Galerie Les Filles du Calvaire ressemble à un reportage. Un voyage « safarique » dans l’exotisme occidentalisé. Chemise en jean délavé, ouverte sur la poitrine, manches relevées ; des années durant, il part à la recherche des traces qu’il laissera en chemin.

Avant la cérémonie, Thierry Fontaine croise un homme débitant des formes de bites dans des morceaux de bois, puis le squelette doré d’un conquistador – béat benêt endormi parmi les lianes –, fabrique un sac pour ballons de foot beau comme les parures admirées au musée du Quai Branly. Il pratique le vaudou à l’aide d’un miroir qu’il nomme Paysage, son visage y disparaît sous les clous plantés et les débris de verre dispersant des reflets épars, comme autant de visons d’un même visage, lesquels, cependant, ne portent aucune représentation. Ici la mise en abyme, ficelle ancienne de la peinture occidentale, se heurte aux coups portés dans la chair et ses succédanés. Des visages, il y en a pourtant beaucoup dans ses photographies, presque autant que de grains de peaux. Dont un homme, plongé à mi-corps dans l’eau, la tête recouverte de terre glaise appliquée à l’arrachée, écrasée et brutalisée comme s’il venait de recevoir une paire de baffes monumentales. Pourtant, il se tient bien droit ; rien qu’à sa posture, on devine que sous son masque il ne pleure pas, qu’il ne rit pas. Il participe, passif, bien que photographiant, aux occupations du paysage folklorique environnant, chacun s’occupant ainsi à en alimenter le simulacre.

Ainsi, on découvre les petits métiers, les fabricants de souvenirs, la pacotille et la verroterie. Il y a des chaînes en feu dans la nuit noire, des cœurs aux orbites humaines, ici et là, les traces de l’art contemporain, tropicalisme sur poitrine déboutonnée, du sang coagule par litres entiers à même le sol en terre battue. Un autre homme peint des noix de coco. Il y applique des motifs de ballon de foot ne laissant que les trognons apparents, tel des anus végétaux boursouflés, tendus et pétrifiés, synthèse parfaite de l’image que l’on aime à présenter comme héroïque sur les terrains, celle des footballeurs alignés pour faire face à un coup franc, péteux se protégeant les parties en attendant qu’en face l’adversaire frappe la balle.