Archéologie de l’instant d’avant, sites fantasmés, présence pétrifiée, passée maintenue à bout de bras sont les images qui viennent à l’esprit quand on songe aux travaux des artistes regroupés au FRAC Bretagne. La possibilité de la persistance, son éventuelle légitimité, le lieu de son action, sont autant de strates dans lesquelles ils puisent et extraient des formes soudainement beaucoup plus vieilles qu’on ne l’imaginait.

La première image pourrait être celle d’une pelle de grue de chantier – Cutter-Crusher – que Benoît-Marie Moriceau a partiellement enfouie dans un sarcophage de terre, comme si c’était un fossile. Une façon de signaler que l’héroïsme des constructions monumentales n’est plus, qu’il a rejoint celui des pyramides d’Égypte, et que désormais c’est au couteau et au pinceau que l’on creuse.

Les coquilles blanches en papier mâché de Laurent le Deunff – Coquillage 1 et 3 – gisent, elles, sur le rivage. Mangées par le sel, totalement dépourvues de nacre, presque sur le point de redevenir poussière, elles pourraient bientôt disparaître si l’artiste ne les conservait pas. D’ailleurs, en les observant, on comprend que ce n’est peut-être pas tant la forme que les matériaux que préserve l’artiste. Ces nautiles ne sont que prétextes pour continuer à farfouiller dans le plâtre, dans la terre et parmi les cailloux aux formes étranges qui lestent les poches des enfants. La chimère de Wilfrid Almendra est du même ordre. Concrete Garden est un ensemble d’ornements de jardin. Déesses gargouilles de pacotille, décorations ringardes, aigles majestueux, brisés mais disposés sur des piédestaux en marbre, ils forment le panthéon mythologique de la vie en pavillon. Derrière les restes naïfs du désir palladien de la petite bourgeoisie, c’est toute la gloire de la Guerre des boutons qui se dresse pour les visiteurs.

De l’autre côté, les Contre-dépouilles d’Étienne Chambaud emmènent en safari. Les peaux de bêtes montées sur châssis en sont les trophées ; mais quels trophées ? Ce sont de vieilles peaux tondues, trouées et raccommodées, désir sans noblesse pour amateur de divertissements à la carte. Ce que pointe l’artiste est la dualité du statut de ces restes ; de la beauté animale à la laideur touristique il n’y a qu’un pas. Virgine Yassef se faufile dans cet interstice pour Il y a 140 millions d’années, un animal glisse sur une plage fangeuse du Massif Central. Une surface de crépi vert recouvre tout un pan de mur griffé de trois entailles profondes et irrégulières. Ici le passé est de science-fiction, bien plus motivé par le souvenir de Jurassic Park que par les visites au Museum d’Histoire Naturelle.