Les dernières œuvres de Farah Atassi ne dérogent pas à la règle que l’artiste s’est donnée il y a plusieurs années déjà, les espaces qu’elle dépeint sont fermés. De ces intérieurs les structures sont apparentes, on y voit les fondations autant que les traces de coffrages. Au sol, d’autres structures plus petites donnent l’impression d’être des jouets, des maisons pour enfant. L’espace de la toile est ainsi séparé en deux échelles, la première, adaptée à l’œil, la seconde à la taille de nos mains.

Par rapport aux œuvres précédentes, la surface de l’espace s’est cristallisée, ce n’est plus un mille-feuille souple de voiles et d’images qu’elle superpose afin de créer une illusion perspective d’éléments temporels et topographiques. Ces nouveaux travaux sont bien plus maçonnés. Du passé il est fait table rase, il semble que l’artiste ait digéré ses souvenirs, ses influences, et construise désormais son propre édifice. Édifice, dont le sommet, comme souvent dans les architectures primitives, tient par deux pans inclinés se retenant l’un l’autre. C’est le cas des quatre premiers tableaux, leurs motifs répétés à l’albertienne démultiplient la composition en d’innombrables et fuyants agencements. Emboités avec astuce, ils deviennent des casse-têtes de circulation et de marqueterie. Les deux derniers tableaux, eux, ont volé en éclats. Les parois érigées par l’artiste se brisent comme s’effondre en mille millions de petits tessons un abri de bus attaqué au marteau. Or, il n’y a pas de violence dans cette peinture, jamais. On devrait préférer parler d’une mosaïque révélant ses couches sous-jacentes en perdant ses tesselles. Mais, plaquées au premier plan, ces tesselles semblent plutôt recouvrir la surface de la toile plutôt qu’un quelconque autre plan. C’est aussi pour cela que le regardant, on a le sentiment que ces petits carrés de couleurs sont projetés vers soi. Ou, en tout cas, qu’ils se déversent dans et devant l’image que l’on reconnais dans le font. Selon l’angle de leur direction on peut estimer leur vitesse. Lente dans Building the city (2013), et déjà bien plus rapide dans la seconde version de ce tableau. Encore faut-il ajouter que le sol de ces œuvres est aussi occupé par des jouets. Ces mêmes jeux de construction sommaires et bigarrés qui permettent à partir de volumes très simples de commencer à en édifier de plus complexes. Jeu dont les souvenirs d’enfant autant que leur fréquentation rappellent à ceux qui en ont la fantaisie qu’inévitablement, une fois construites, ces villes et ces maisons se prennent un coup de pied pour redevenir, cubes, cylindres et pyramides.