Apôtre du DIY, Ryan Gander récupère non pas des objets mais des processus. Vidéos aux accents de promotion marketing, gadgets pour parc d’attractions, mises en scène de la frustration et canalisation de l’émotion fonctionnent à plein régime entre les mains contestatrices de l’artiste. Si la vulgate Warholienne aime à rappeler que le maître fut publicitaire avant de devenir artiste,  Ryan Gander, lui, enfonce le clou en prouvant qu’il est devenu publicitaire en devenant artiste.

On trouve donc dans le parcours, une grotte, un succédané de science fiction, des ficelles hollywoodiennes, de la poésie, et pour finir du nihilisme. Le visiteur, au début de la visite, s’avère être un substrat parfait pour ce travail, mais au fil des salles et des vagues à l’âme savamment orchestrés l’envie disparaît. Pourquoi ?

La dernière fois qu’il était possible de faire l’expérience du travail de Gander, à Kassel, ses œuvres invisibles fonctionnaient comme des plug-in nourris du contexte de la surexposition des œuvres partout présentes dans la ville. Leur système était d’une grande simplicité, mais fonctionnait terriblement bien. Au Plateau, ce même type de ficelles tourne en boucle. Ce n’est pas qu’elles soient trop évidentes, ni trop faibles, qui pose problème, c’est qu’ici elles n’ont rien à disposition pour en nourrir les mécanismes, le black cube de l’espace d’exposition ne laisse aucune aspérité à laquelle se connecter. Entre elles, les œuvres deviennent des commentaires les unes des autres. Elles ne sont pas dysfonctionnelles, mais en compétition, et ne parviennent pas à se dépasser elles-mêmes. Ce combat de commentaires retombe à plat en une alternance tautologique de chaud et de froid. Ce qui est manifeste ici c’est la non autonomie de ces œuvres quand elles ne trouvent pas d’autre contexte qu’elles-mêmes à questionner.

D’ailleurs, si l’essentiel de l’exposition de Ryan Gander au Plateau est plongé dans le noir, c’est probablement parce que les zones d’ombre et d’inconnu, ainsi crées permettent, au moins un temps, à l’expérience d’être alimentée par les fantasmes des visiteurs. Mais une fois l’œil adapté, que l’on a compris que l’on n’allait pas se cogner, ni rencontrer le grand méchant loup, ne reste plus que les œuvres de Ryan Gander, seules à jouer leur numéro. « L’art et la vie » disaient les utopies, oui, mais quand il n’y a pas de vie, alors il y a t-il encore de l’art ?