Onirique et fantasmagorique, l’exposition de Gilles Barbier à la Galerie Vallois s’ouvre sur deux œuvres, Still Woman et Still Man. Un homme et une femme, tout deux nus, sont endormis dans un fouillis végétal printanier qui les colonise sans agressivité mais avec insistance. Déjà que leurs narines s’obstruent de lichens, leurs dos sont presque devenus des coteaux pour ces plantes en manque de soleil.

La Genèse et la Belle au bois dormant se partagent l’imaginaire fertile de ces deux œuvres et de leurs rejetons qui poussent un peu partout ailleurs. Tout l’intérêt de la mise en scène repose sur la compréhension – programmée ou non – donnée à cette sieste par les œuvres suivantes. La suite est toute différente ; il s’agit d’une longue table chargée de nourritures et de préparations diverses et appétissantes. La sieste n’était donc pas crapuleuse mais digestive.

Le Festin, cette truculente nature morte pleine de gibier, de charcuterie, de viandes en gelée, de fromages coulants, et d’accompagnements en surabondance, est une invitation à  se vautrer dans la gourmandise. La marmite de bœuf bourguignon est si grande, la fondue de fromage tellement vaste que, dans un élan régressif, on pourrait s’y jeter sans le moindre regret de gaspillage. On devine un peu partout le repas qui a précédé. Une entame par-ci, quelques miettes par-là. Il n’a que très légèrement amoindri l’offre. La réjouissance pour le visiteur qui passe n’en est que plus grande – est-il possible que le restaurateur en face de la galerie ait accru son chiffre d’affaire pendant l’exposition ? Probable. En même temps l’entassement des mets, les cadavres froids, et toujours en plumes, des canards invitent à la précipitation. À droite et à gauche de l’installation, deux guéridons proposent toujours plus de bouffe, il y en a pour toutes les mains. Or, étrangement, dans ce repas, on ne boit pas.

L’élan, déjà un peu arrêté par la perspective de la soif prend un sérieux coup quand on découvre que de gros insectes cachés viennent polluer l’idée d’un repas hygiénique. D’autant que les petites maisons que l’on pensait être de la décoration renforcent la possibilité d’une vie intérieure. Une vie qui a peut-être rendue malade l’homme et la femme. L’idée d’un repas était tentante, mais tout compte fait on se contentera du café de l’établissement d’en face.