Le projet menée dans la ville de Lyon qui consiste à associer à tout nouveau parking une œuvre d’art pourrait être une fausse bonne idée, quelque chose de l’ordre du 1% qui tente de déguiser une carpe en un lapin. Pourtant, force est de constater que cette ambition a conduit à d’étonnantes réalisations.

C’est tout particulièrement le cas de celle qui occupe le sous-sol afférant (plutôt attenant) au théâtre des Célestins. Les architectes à l’œuvre sont Michel Targe et Jean-Michel Wilmotte, l’artiste mandaté est Daniel Buren. Leur parking s’enfonce sur plusieurs niveaux, desservis par une rampe hélicoïdale dans l’axe de laquelle est réservé un espace cylindrique parsemé d’ouvertures cintrées, lui donnant l’aspect simple et énigmatique des façades palatiales vénitiennes. Sauf que, connus depuis les canaux, les palazzo – le plus souvent percés d’une unique toute petite porte débarcadère – ont l’allure imprenable de demeures dont on ne connaît pas l’accès ; la vue ouverte dans le parking des Célestins, elle, renverse ce sentiment et confère à ceux qui s’y penchent l’impression de dominer depuis un donjon. Or, cette vue est panoptique ; toutes les fenêtres donnent les unes sur les autres et, de même qu’au théâtre, chacun peut observer depuis sa loge.

Mais il ne s’agit ici que d’un parking, et il est rare que qui que ce soit ne s’y attarde et goûte à la majesté de l’architecture. C’est à ce niveau qu’intervient Buren. En plaçant au cœur de l’espace cylindrique un immense miroir incliné et en rotation, il renvoie à ceux qui l’observent leur image. Le dispositif fait penser à celui d’un télescope. Un télescope antique logé dans une cavité ouverte sur l’observation du ciel et de ses manifestations les plus incroyables. Sauf que le plafond n’est percé que d’une toute petite ouverture et que, de l’intérieur, il est impossible d’en voir plus que la mécanique. Il faut sortir pour faire l’expérience complète de ce dispositif, et comprendre que tout est inversé depuis le début. Depuis la caverne le visiteur croit observer le monde, un monde onirique mais fermé sur lui-même, le télescope dont il pense disposer est en fait inversé ; une fois dehors, on réalise que celui-ci n’était nullement pointé sur les étoiles, mais sur le parking et la société qui l’habite.

Au milieu de la place publique qui surmonte l’édifice souterrain, Buren a installé un périscope donnant à la verticale du miroir. Depuis cet œillet on peut en observer la rotation et, dans son reflet, les arcades agrémentées ou non de passant, derrière lesquels passent les voitures dont les phares font jouer une ronde étourdissantes aux ombres de la façade circulaire.